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Les hormones printanières

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Ce matin-là, la lumière était cristalline, éblouissante, incontestablement printanière. Les gouttes de glaçons fondus tintaient contre les fenêtres. Depuis déjà quelques jours, le fond de l’air se réchauffait et les bancs de neige se changeaient en flaques d’eau. Lorsqu’elle ouvrit ses rideaux, c’était clair : le printemps était là. Ses hormones avaient déjà commencé à la travailler, d’ailleurs. Elle s’était surprise, la semaine passée, à reluquer un groupe de gros douchebags qu’elle n’aurait jamais regardés en temps normal. Elle s’était réveillée hier matin, toute troublée, parce qu’elle avait fait un rêve érotique sur son prof de sciences physiques du secondaire. Puis, elle revenait toujours du gym avec le goût de baiser. C’était ça, le printemps. L’instinct de reproduction prenait le contrôle.

Il se leva pour aller se faire un café comme chaque matin. En sortant sur le balcon pour fumer sa première cigarette et faire pisser son chien, il remarqua le beau temps et ça lui donna le goût d’aller courir. Cette envie le prenait à peu près une fois par année, et ça concordait drôlement avec ce moment où les filles échangent leurs cotons ouatés pour des pantalons de yoga et des culottes courtes. Le moment de l’année où l’envie de voir et de toucher de la peau est encore plus forte que d’habitude. Il enfila son seul kit de sport, planta ses écouteurs sur ses oreilles et commença sa course vers le parc.

Elle s’habilla d’une robe qui laissait voir le début de ses cuisses. Elle sortit ses bottillons de printemps aux talons juste assez hauts pour lui donner l’impression qu’elle a des jambes de mannequin, sans toutefois la faire marcher comme un pingouin naissant. Elle se sentait en mode parade. Elle décida donc d’aller se chercher un latte au petit café de l’autre côté du parc.

Le vent qui lui ébouriffait les cheveux lui faisait du bien. Même s’il toussait et crachait aux deux minutes, il se trouvait pas mal sportif. Faudrait qu’il arrête de fumer bientôt, mais c’était sa façon préférée de se donner contenance dans les moments où il était mal à l’aise. Déjà, il commençait à être fatigué de sa course, mais sa fierté de mâle l’empêchait d’arrêter.

C’est le petit barista mignon qui lui fit son café. Comme elle était en mode parade, elle ne se priva pas de rire de la gorge à sa blague pourrie sur le lactose. Consciente de chacun de ses gestes, elle se déhancha vers la sortie, un peu plus que ce que la balance naturelle de ses hanches imposait à sa démarche habituellement. En sentant le regard du jeune homme sur son postérieur et ses jambes dénudées, enorgueillie, elle reprit son défilé vers le parc.

À bout de souffle, il s’avoua vaincu. Il s’arrêta pour s’asseoir sur le banc le plus proche, après avoir vérifié qu’il n’y avait pas d’autres coureurs motivés et invincibles avec leurs ceintures à gourdes d’eau. Il ferma les yeux un instant pour normaliser sa respiration et soulager son point de côté, en écoutant les oiseaux qui faisaient cui-cui et les gouttes d’eau qui faisaient clop-clop. En ouvrant les yeux, il aperçut une fille au loin. Elle marchait d’un pas léger, un café à la main, les cheveux au vent et les jambes à l’air. Elle était vraiment jolie. Il continua de la mater pendant un moment, se laissant imaginer la forme de ses seins sous sa robe printanière. Il finit par se rendre compte qu’elle s’était rendu compte qu’il la regardait goulument. Et qu’il la connaissait. Fuck.

Le garçon assis sur le banc la fixait clairement. Décidément, la robe faisait son petit effet, même de loin! Il avait l’air assez mignon. Un blondinet aux cheveux bouclés avec une barbe juste un peu trop longue à son goût. Il était en sueur et encore essoufflé. C’était peut-être un athlète des Carabins de l’Université de Montréal? Quoique, vu de plus près, il n’avait pas l’air très athlétique. Il lui rappelait quelqu’un qu’elle n’arrivait pas à identifier. Elle l’observait du coin de l’œil, cherchant à qui il la faisait penser, lorsque leurs regards se croisèrent. Merde. Meeeeeerde. C’était sa première dateTinder. Elle essaya de détourner le regard et au même moment, glissa sur une flaque d’eau avec ses bottines de merde du Aldo. Elle perdit l’équilibre et tomba sur les fesses. Tabarnak. Merci Dieu de l’humiliation…

Il tenta de se retenir de rire, mais c’était très difficile. Quelle fin abrupte pour la parade de la poulette! C’était quoi son nom déjà? Léa? Non! Léonie! Comme il ne pouvait plus faire semblant de ne pas l’avoir vue ni reconnue, il décida de se lever pour la sortir de sa misère.

Il s’approche. Bordel. OK, c’est pas grave, il y a pire dans la vie. Souris et assume!

Il tendit sa main vers elle pour l’aider à se relever.

– Ça va? Tu t’es fait mal? – Haha, non non, c’est correct, merci. J’me sens un peu niaiseuse, par contre! – Mais non, arrête! C’est pas mal glissant, avec la neige qui fond, pis toute. – Ouin c’est clair. Ça m’apprendra à mettre des bottes à 20 piasses pour aller marcher.

– Hahaha! Pis sinon, ça va? Ça fait un boute que j’t’ai vue!

Ben oui ça fait un boute, connard, tu m’as jamais rappelée après qu’on ait couché ensemble… de peine et de misère, parce que t’étais trop saoul.

– Ça va super bien! J’ai eu le stage à la boîte de prod’ que je voulais, fait que je travaille pas mal. C’est l’fun, j’aime ça. – Cool! Bravo!

– Pis toi?

Ça me tente pas d’y dire que je suis retourné travailler au Starbucks parce que j’ai pas assez de contrats en graphisme. J’me demande si elle se rappelle que j’avais d’la misère à bander. Anyway, j’étais chaud…

– Ça va. Je suis un peu entre deux jobs, j’viens de finir un gros contrat. Une campagne de pub pour les animaleries Mondou. – T’es big shot! Ton chien doit être fier de toi. – J’pense que oui, y’a arrêté de chier mou pour me récompenser.

– C’est bon, ça! T’as un baromètre maison. Si y recommence, tu sauras qu’y faut réévaluer ton travail.

Elle est quand même drôle, Léonie. J’me rappelais pas qu’elle était drôle. Je me  rappelle qu’a french ben, par exemple.

– Ben oui, se remettre en question, c’est important t’sais.
– Certainement!

Belle énonciation d’évidence, ça. Me semble que je l’avais trouvé fucking arrogant, la dernière fois. Y’a un beau sourire, par exemple. Sa barbe plus longue, ça y fait bien, finalement. Pis y’a vraiment des belles fesses. Pis aussi un beau p…

– Fait que tu fais quoi en cette journée printanière?

Merde, est-ce qu’il veut m’inviter à faire de quoi? J’veux pas avoir l’air d’avoir juste ça à faire, attendre après une date…

– Euh, je suis allée me chercher un café pis prendre une marche. J’ai des trucs à faire tantôt. Pis j’ai un souper avec des amis ce soir. Toi?
– Je recommence le jogging là, pis ce soir j’sors avec du monde, y’a un d’mes chums qui est DJ en ville à soir.
– Cool!

Maudit, est donc ben chaude avec sa petite robe trempée. J’vois toute sa brassière. J’me demande si a serait game d’aller faire ça dans un buisson là-bas… Bon calme-toé l’grand, on est en plein jour. Pis t’es suant comme un porc.

Ayoye, c’est beau un gars en sueur, même si ça sent pas super bon. Je sens quand même l’odeur de son déo. C’est du Old Spice. Je suis sûre qu’ils mettent des phéromones là-dedans, ou ben ce qu’il y a dans l’air au Sephora, pour nous rendre folles.

– Es-tu encore sur Tinder?
– Non, ça fait un bout (mais je suis sur 3 autres applications du genre). Toi?
– Non plus. (oui, mais elle le saura pas parce que je l’ai bloquée). C’est pas super, finalement.

Bon, j’pense qu’il serait temps que je fasse un boute avant que la conversation devienne trop awkward.

– Bon! J’pense que j’vais faire un boute! En tous cas, c’était cool de t’avoir croisé. J’te souhaite plein d’autres contrats d’animaux!
– Merci! Pis toi, j’espère que ton stage va continuer à bien aller. Prends soin de toi!
– Toi aussi!

Elle reprit son chemin sans se retourner. Il la regarda s’en aller en restant planté là quelques secondes.

Envoye, niaiseux. Essaie donc de me retenir. Invite-moi donc à prendre un verre. Quand on se reverra, dis-moi donc que tu me trouves belle en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Donne-moi un bec dans le cou en baissant ta main jusqu’au bas de mon dos pis chuchote-moi que tu me veux en me rapprochant de toi. Pis après, on ira faire l’amour dans les toilettes du bar, ou dans la ruelle, ou dans ton char. Quelque part d’un peu trash, mais ça va être beau pis doux, pis tu banderas pas mou c’te fois-ci. Pis j’te demanderai rien d’autre, pour vrai.

Les pieds figés dans la bouette, il fouilla dans ses poches pour reprendre son téléphone. Liste de contacts… L… « Léonie (Tinder) » était encore là. Il hésita un instant.

Léonie sentit vibrer dans sa sacoche. Message d’un numéro inconnu.

« Yo! J’me demandais si t’avais encore le même numéro de tel »

Elle sourit.
« C’est qui? »

« C’est Vince… on vient de se croiser ? »

« Ha bin oui! S’cuse-moi, j’ai changé de cell XD »
Faux. Elle avait juste supprimé son numéro.

« Correct. Ça te tenterait-tu d’aller prendre un verre, un moment donné? »

Bingo.
« Ouais, ça serait cool! On se tient au courant? »

« Parfait! X »

Vincent reprit sa course. Il avait soudainement un regain d’énergie. Léonie retourna chez elle, la démarche encore plus légère, malgré sa robe mouillée.

Le printemps s’annonçait pas pire pantoute.

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