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Lectures de (dé)confinement

Le confinement ramène le temps, qui ramène le moment, qui ramène la lecture. Pour le plaisir, voici quelques titres qui m’ont happée dernièrement par leurs thèmes actuels et novateurs.

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Pour cœurs appauvris, Corine Larochelle, Le Cheval d’août

Rencontres amoureuses, orgies ou amitiés, Corinne Larochelle les décortique toutes dans son recueil de nouvelles paru en 2019. Ses muses : les hommes qu’elle rencontre en voyage ou en date au resto, en écoutant les histoires de one night de ses amies… Parfois plus poétiques, fragmentées, ses histoires d’amours déçues sont universelles et près de nous, nous touchent ou nous font sourire. Je me suis reconnue en voyageuse éperdue dans la chaleur de la Grèce ou devant cet amant qui reçoit sans donner, qui parle de lui sans poser de questions. Pour cœurs appauvris est un recueil qui apporte un vent de fraîcheur autour du thème amoureux souvent damné ou, à l’inverse, trop sentimental. Cette fois, Larochelle offre une vision du personnage de la femme libre qui recherche, mais qui ne se contente pas du premier venu! ?

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Un appartement sur Uranus, Paul B. Preciado, Grasset

Dans sa préface, l’ex-conjointe de l’auteur trans Paul B. Preciado, Virginie Despentes lui dit qu’il écrit pour les êtres du futur. Et c’est effectivement une révolution sexuelle que propose l’auteur d’Un appartement sur Uranus, une transformation du monopole hétérocentriste et patriarcal. Née Beatriz Preciado dans une famille catholique de droite espagnole, Paul ne s’est jamais senti accepté dans sa ville et décide de faire de l’ailleurs son chez-lui, et de sa différence, sa force. Un appart est le récit de sa transition (préalablement publié dans le quotidien Libération depuis 2015) mêlé à ses chroniques qui couvrent la crise des migrants vers l’Europe, autres corps en transition, autres corps abandonnés. C’est une tentative de réécriture de l’histoire du point de vue des vaincu.es, une prise de position vis-à-vis de la norme et des conventions pour proposer une transition planétaire vers l’acceptation. Il ne faut jamais oublier que le corps est politique – et Preciado en fait une illustration saisissante!

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Un mal terrible se prépare, Laurent Lussier, La Mèche

Un homme décide de partir en forêt avec sa tente et le minimum nécessaire à sa survie pendant ses vacances estivales, mais, bien vite, il trouve sur son chemin une chauve-souris atteinte d’une maladie étrange. Avec l’aide du Réseau d’urgence pour la faune, orchestré par une équipe de biologistes et de bénévoles particulière, le narrateur tente de trouver les causes de ce mal qui s’attaque aux animaux et de cette fumée orange et toxique qui s’élève au-dessus des arbres. Un mal terrible a tantôt des accents de récit apocalyptique, tantôt de récit de soi philosophique en lien avec le sort de la planète et de ses habitants non-humains, quoiqu’humains aussi de temps en temps. À travers le personnage écrivain de Lussier, le récit d’enquête prend des allures de roman d’aventure rempli d’un humour ironique qui fait grincer des dents. Sauverons-nous la nature en intervenant? Ou n’est-elle pas déjà sur un déclin assuré? Paru en 2018, ce premier roman a des échos particulièrement percutants aujourd’hui, vu les circonstances « covidiennes ».

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Les falaises, Virginie DeChamplain, La Peuplade

V. et sa sœur Ana se rendent à la maison de leur défunte mère en Gaspésie, maison à la porte toujours débarrée, sur le bord du Saint-Laurent. Elles s’attablent à vider la résidence de sa mémoire et des meubles, dans ce village qui les a vues naître, et fuir de nombreuses fois en voyage autour du monde avec leur mère psychotique. Alors qu’Ana doit retourner travailler, V. décide d’entreprendre le ménage toute seule, un ménage intérieur et filial, qui la mènera à la cave où elle trouvera les carnets de sa grand-mère. Les falaises est un récit d’amour à la mer et au ciel, dans lequel les cheveux de toutes ces femmes se tissent pour offrir une toile familiale tantôt amère, tantôt emplie d’une sororité amoureuse. Dans le bar de ce patelin, V. rencontre Chloé, une jolie rousse dont elle s’amourache. Puis, les rencontres se font plus nombreuses alors qu’elle entreprend un pèlerinage en Islande, sur le chemin de ses aïeules voyageuses. Mèches au vent, toujours devant le large ou sous les aurores boréales, la narratrice est en quête d’une libération qui passe par l’ouverture des habitants de la campagne et l’adoucissement de sa colère face au deuil. Une œuvre poétique qui se dessine entre vagues et montagnes.

Le bleu des garçons, Éric LeBlanc, Hamac

À la fois recueil de fiction et de poésie (genres avec lesquels LeBlanc jongle avec beaucoup d’aisance), Le bleu des garçons est un repère d’historiettes sur la séduction, le couple et la famille, pour ne nommer que ces thèmes. Alternant entre instants érotiques et moments crus de solitude, l’exploration formelle de l’auteur nous amène dans des univers diversifiés et uniques. Parfois bleu, parfois rose, le recueil alterne entre différentes teintes de masculinités, de la plus toxique à la plus queer. Munich, Barcelone, Québec, tout au bout de la 132 : autant d’endroits que de situations qui peuplent la vie d’un jeune homosexuel en quête de lui-même, et parfois des autres. De l’enfance à l’âge adulte, nous suivons différents protagonistes au plus profond de leurs réflexions sur la filiation paternelle, l’infidélité, la fuite. Et toujours ces possibilités de doubles avec leurs inquiétantes étrangetés, qui apparaissent dans un miroir, une vitre de métro. Comment nous verrions-nous si nous nous regardions par les yeux des autres? Surtout, quel est le poids du regard quand nos yeux hypnotisent quiconque s’y mire trop longtemps? Une nouvelle voix forte de la littérature queer québécoise à découvrir!

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