Nous sommes tous familiers avec la pilule bleue de Viagra et ses fameuses publicités (good morning, good MORNING!!!!). C’est un problème qui ne concerne pas encore les hommes de mon âge, considérant que je suis née dans les années 90, mais c’est un message qui nous est sans cesse répété à travers la publicité, et qu’on comprend très bien depuis presque deux décennies : il n’y a aucune raison valable de ne pas bander, puisque ces médicaments existent. Viagra, Cialis et les autres assurent un bon flux sanguin au niveau de l’organe génital masculin, ce qui donne les munitions nécessaires à l’homme, aussitôt qu’il est excité sexuellement, d’arborer une érection convaincante! Ô que ça a dû en révolutionner des vies en 17 ans d’existence cette petite gélule bleu ciel!
Depuis le même nombre d’années (sinon plus!), on recherche une solution pour savoir comment stimuler ça, un organe génital féminin. Ce n’est pas une question de flux sanguin, malheureusement. Des études cliniques ont prouvé que, pour les femmes, le problème est très rarement une dysfonction physique, mais beaucoup plus une question de désir. En effet, une femme sur dix souffrirait, au courant de sa vie, d’une maladie qu’on appelle, en anglais, la Hypoactive sexual desire disorder (HSDD). En français, son équivalent serait tout simplement un manque ou une absence de libido. La mauvaise nouvelle, c’est qu’aucun médicament ne saurait traiter le manque de désir de façon mécanique chez la femme. Même Pfizer (l’entreprise pharmaceutique qui a conçu Viagra) a abandonné ses recherches à ce sujet il y a quelques années.
Mais la bonne nouvelle — ou du moins, on essaie de nous le faire croire — c’est que la FDA (l’équivalent de Santé Canada aux États-Unis) vient tout juste d’autoriser un petit cachet rose, l’Addyi, qui fera son entrée sur le marché très bientôt. Il a tout d’abord été testé comme antidépresseur : non concluant… Les chercheurs lui ont par contre découvert des propriétés aphrodisiaques. En gros, l’Addyi influence la sérotonine, une hormone qui agit sur les fonctions élémentaires du corps humain (sommeil, appétit, désir sexuel). Le médicament n’améliore pas la performance sexuelle, mais provoque davantage de pensées érotiques et stimule le désir.
Cette initiative a été grandement saluée par des groupes féministes comme Even the Score, et je les comprends. Les hommes ont une solution (relativement) simple en cas de dysfonction érectile. Les femmes devraient pouvoir gérer leurs problèmes sexuels également. Ou, du moins, des recherches sérieuses devraient être conduites dans cette direction! Mais, à force de lire à propos de l’Addyi, on se rend compte rapidement que ce n’est peut-être pas lui, le remède miracle. Alors qu’on s’est empressés de surnommer l’Addyi, le « Viagra pour femmes », les différences sont si importantes et considérables qu’il est impossible de continuer à l’appeler ainsi en connaissance de cause.
Alors que le Viagra doit être pris quelques minutes ou quelques heures avant une relation sexuelle, l’Addyi doit être pris comme une pilule contraceptive : chaque jour. Il faut le prendre avant d’aller au dodo pour éviter les risques de chutes de pression, de nausées, de somnolence. Certains de ces effets secondaires s’aggravent avec la consommation d’alcool ou d’autres médicaments. La même FDA qui a aujourd’hui autorisé le médicament l’a refusé deux fois dans les dernières années. Il me semble que cet amas d’informations me sonne une cloche plutôt alarmiste.
L’industrie pharmaceutique n’a pas réussi à trouver comment traiter l’absence de libido de façon mécanique, par exemple en agissant comme un lubrifiant interne ou en rendant plus sensibles les zones érogènes. Je ne veux pas scander au complot, mais je me questionne : est-ce que ce n’est pas là une tentative pour transformer le manque de désir sexuel en maladie? À mon sens, la baisse ou l’absence de libido est plutôt un symptôme qu’une maladie. Il y a eu tellement d’avancées en sexologie et en psychologie, que si cela devait m’arriver j’imagine que j’aurais tendance à faire confiance à des spécialistes humains, bien avant de décider d’ingérer une pilule chimique qui n’a certainement pas fait ses preuves. S’agit-il là d’une grande machination pour exploiter un marché extraordinairement lucratif? Je suis on ne peut plus d’accord que des recherches sérieuses doivent être tenues avec rigueur pour régler certains problèmes entourant la sexualité des femmes, mais je ne crois pas qu’il faille se précipiter dans ce sens juste parce que les hommes ont une solution à portée de main. Nous devons lutter pour l’égalité, mais également embrasser nos différences! Il y a encore tant de choses à apprendre en médecine quant à la sexualité féminine : ne nous précipitons pas sur une solution magique qui n’en est peut-être pas une, justement.
Et vous, quelles sont vos impressions sur la petite pilule rose?
AA ♥
Sources: The Star, FDA, Even the Score