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Le roi de cœur – Par Noémie Rousseau

« Ça fait des années que j’ai les mêmes patterns, c’est tellement facile pour un gars comme moi, on se le cachera pas, j’suis beau, intelligent pis j’ai l’air tellement confiant, j’sais même pas où est-ce que j’ai appris à si bien jouer la comédie. Ça fait que grâce à mes atouts, les filles viennent manger dans ma main comme des petits oiseaux et tout c’que j’ai à faire, c’est d’en profiter un peu. Qui m’en voudrait? C’est pas d’ma faute, je force pas les choses, elles font la file, bien sagement, en attendant leur tour. En plus, avec Facebook, c’est tellement simple, deux trois likes sur la photo pour leur montrer que j’suis intéressé pis après c’est elles qui viennent me parler. Qu’est-ce tu veux? Les filles aiment ça les gars comme moi. J’suis l’genre accessible, mais pas assez pour te présenter à ma mère tu comprends? Pis ça, ça les attire. J’sais pas pourquoi, mais elles pensent toujours qu’elles vont devenir l’exception dans ma vie, comme dans leurs films poches d’amour. N’importe quoi! Faudrait vraiment qu’à soit parfaite pour que j’y laisse une place pour sa brosse à dent parce que d’ici là, j’me contente de juste la baiser! Anyway, elle savait très bien dans quoi elle s’embarquait quand je l’ai ramenée chez nous pour la première fois, faque la seule personne qu’elle peut blâmer, c’est elle.

J’avoue que d’temps en temps je me sens seul dans mon appartement, t’sais, c’est sûr que j’deal juste avec les relations sans conséquences et sans compromis pis que la seule chose que je connais vraiment c’est les nuits sans lendemain, mais c’est pas grave, un p’tit selfie pour me remonter l’égo sur les réseaux sociaux, pis après ça j’call une soirée de beers avec mes boys. De toute façon, j’ai ma réputation, une fierté à entretenir, pas question d’avoir l’air d’un p’tit faible, j’aimerais mieux qu’on me coupe les couilles que d’avouer que j’en ai plein l’cul de servir de trophée humain à toutes les filles qui se pâment devant moi, j’pas cave! J’sais ben que c’pas pour ma personnalité qu’elles s’intéressent à moi, sont juste curieuses, elles veulent juste voir si j’suis à la hauteur de c’que j’prétends être, elles en ont rien à foutre de la personne que j’suis vraiment. Bon oui, y’en a des naïves mais la majorité m’utilisent soit pour oublier leur ex ou pour que j’les console dans leur solitude parce qu’avec moi c’est facile, tout le monde sait que j’tombe jamais en amour.

Malgré que… ouin. Ça m’est déjà arrivé une ou deux fois, mais j’ai fait comme si j’m’en crissais. J’ai gardé ça pour moi parce que c’est plus simple. De toute manière, j’aurais juste attiré des rires pis des jokes plates pis personne m’aurait cru. Comme si c’était impossible pour moi d’être bien avec quelqu’un parce que j’ai l’habitude du contraire. J’imagine que c’est vrai parce que quand j’commence à m’accrocher à quelqu’un, si je choke pas avant on s’entend, j’ai l’impression que la fille comprend pu trop, comme si elle avait pogné la chienne. La plupart du temps, ça finit vite aussi. C’est sûr que les rumeurs pis les mauvaises langues qui m’entourent n’aident pas à ma cause mais le pire là-dedans, c’est la confiance. Comment la convaincre que je veux être sérieux quand j’ai fourré la moitié de ses amies?

Peu importe, le monde m’aime comme ça, j’suis reconnu pour mes conquêtes pis ma popularité. J’suis la recette gagnante du parfait boy toy que les femmes veulent avoir pis j’suis un modèle pour mes chums, quitte à renoncer à une vie de couple. L’amour c’est pas pour moi, j’ai ben vu ça. La seule blonde que j’ai eue ça fait un méchant bout, pis elle m’a démolie. J’en ai vraiment pris plein la gueule avec cette conne-là! C’est de sa faute si j’ai l’cœur aussi frette qu’une nuit de janvier en Abitibi, sauf que j’suis pas un braillard. Au lieu d’avoir vécu ma peine comme les autres, j’ai fait comme si de rien n’était, j’ai dit fuck l’amour pis j’suis devenu le gars que j’aurais dû être, avant de rencontrer mon ex. »

Je ne vous mentirai pas en vous disant que ce qu’il m’a confié il y a de cela deux ans, je ne l’ai jamais oublié. Cette soirée de poker s’était avérée beaucoup plus qu’une simple perte d’argent. J’avais aussi perdu la foi en les garçons célibataires de ma génération. Pas en tous, mais à cause de ce gars-là, j’avais malheureusement généralisé.

Ces paroles me sont revenues quand je l’ai recroisé de nouveau, l’unique fois d’ailleurs, il y a de cela quelques jours. Il tenait la main d’une brunette qui lui souriait. Ils avaient l’air bien, heureux. J’ai su qu’ils sont ensemble depuis plus d’un an. Intérieurement, j’ai souri. Moi aussi j’étais heureuse, pour lui, pour elle et pour tous ceux qui pensent encore de cette façon, car au final, tout le monde y trouve son « conte ».

Ils ne vécurent peut-être pas heureux ensemble pour l’éternité et n’eurent peut-être pas d’enfants mais c’est un début, non?

Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com

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