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Le réel de mon fil d'actualités – Par Jade

Prendre des photos, j’hais ça. C’est de famille. Mon père hait ça, ma mère hait ça, mon frère hait ça. Ma sœur, parlez-y-en même pas. Ma grand-mère de la fesse droite, pas capabe! Mon grand-père de la fesse gauche, forget it! Quand je me retrouve devant un objectif, y me pousse des défauts que j’ai même pas. Un sourire jaune fluo, une fossette dans le front, quarante livres de plus, trente-six mille mentons. Je suis pas photogénique.

Je suis pas passéiste. Non plus. Si je meurs, sortez-moi pas vos affaires de scrapbooking. Mon album de bébé tient dans un cartable d’un demi-pouce. J’apparais même pas sur ma photo de classe de première année. Sur le frigo, chez nous, y’a rien que des notes, des mots. Des aimants. Des « achètes du lait. Bonne journée. xox »

Je suis anti méga pixels, ennemi des flashs, opposante du zoom, impliquée dans la lutte contre les contre-jour, pis les filtres, pis les « ouin, met toi là, rapproche toi, prends en une autre, montre ton beau profil, lèves ta tête, fais comme si tu regardais ailleurs. »

Je suis contre Facebook. Pas trop. Juste un peu. Contre Facebook pis sa belle philosophie profonde du paraître. Juste à en parler, je bave. Douce musique qu’est celle des clics que génère la gang de filles aux pommes, qui ont l’air d’être venues dans le verger, d’ailleurs, rien que pour s’alimenter le wall de moments inoubliables.

Je respecte les gens qui aiment ça, mais moi, ça me branche pas. Je sais que c’est tout un art, de capturer l’essence d’une face, ou d’une ville, ou d’un ciel. Y’a des images que je trouve belles. Je parle pas de photographies artistiques, je parle de facebookite. De « regarde-moi, moi aussi je vais à des partys! Avoue que ça avait l’air le fun. M’envies-tu là? M’aimes-tu plus? » Je parle de quelque chose de plus grand que moi, je parle de quelque chose d’humain au boutte, mais de quelque chose que je dénonce pareil. Parce que ça me sonne une cloche de malsain. De bonheur qui s’appuie sur de l’approbation. De vanité. Une cloche de vanité. C’est triste à dire. J’y échappe pas. Non plus.

À chaque fois que mon fil d’actualités dévoile une nouvelle selfie, ou une nouvelle photo d’amoureux, de bouffe, de gang, de soirées, de voyage, je m’imagine les dix photos qui ont pas été publiées, pis le moment « sur le vif », surement gâché par la place qu’a pris l’acte du « ouin, met toi là, rapproche toi, prends en une autre, montre ton beau profil, lèves ta tête, fais comme si tu regardais ailleurs. » J’ai toujours une pensée pour le verre de vin pas bu, pour le rire par ris, pour la pomme pas cueillie, pour le bec donné à moitié, pour le souvenir qui s’en venait, mais qui a été interrompu par la p’tite lumière d’un iPhone.

J’ai l’impression qu’un vrai beau souvenir, ça se capture pas. Mes doigts dans ses cheveux, l’odeur du printemps, le sentiment d’être petite, ou l’effet que ça me fait, quand je vois le soleil qui reflète sur l’asphalte, le bonheur que j’ai d’être avec mes amis, mon cœur qui se serre, mes yeux pleins d’eau, mes mains moites, mon souffle coupé.

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