Quand tu étudies en enseignement, peu importe le domaine dans lequel t’es, tu te fais constamment demander (lire ici : harceler), par tes professeurs et des organismes de toutes sortes, de devenir tuteur d’espoir afin de venir en aide aux élèves en difficulté. Au début, ça va te faire plaisir d’aider un jeune pour qu’il réussisse à l’école. Parce que toi aussi, t’as déjà été à sa place, pis t’aurais dont aimé ça que quelqu’un prenne une heure de sa vie pour te démêler l’tas de questions qui te trottent dans la tête.
Ça fait que là, tu te mets à y penser tout le temps, à ton p’tit bonhomme. Tu cherches continuellement des moyens pour qu’il coule pas son année, parce que c’est tout ce qu’il veut lui. Pis en même temps, il faut que t’impressionnes ses parents qui t’ont engagé TOI. Double défi. Ça fait que tu lui montes des exercices, tu lui trouves des trucs plus faciles que ceux de son prof de math pas y’able. Tu veux tellement l’aider, mais en même temps, il faut pas que tu fasses ses exercices à sa place. Faut que t’arrêtes de lui donner les réponses parce qu’il fait pitié, le pauvre p’tit loup. Faut surtout que t’arrêtes parce que tu s’ras pas là dans la classe pour lui souffler les réponses. En gros, faut que tu l’aides à se démerder. Tu laisses des traces pour que ses parents voient que vous faites pas juste du coloriage. Pis là, y’arrive avec son résultat d’examen… 39 %. Aucune amélioration, même une détérioration.
Tu capotes. Tu te dis que c’est toi le problème pis que t’es pas un bon pédagogue. T’es pas dans le bon domaine d’étude, même après trois ans d’acharnement pis d’investissement. Si t’es pas capable d’en aider un comme du monde, c’est quoi tu vas faire pour ta classe de 29? Pitié, c’est c’que tu vas faire. Parce que là, y’est plus question de ton p’tit bonhomme qui coule le 3/4 de ses matières. Non. Là, tu le prends personnel pis tu prends sur toi la défaite de ton élève. Tu te dis que si ça avait été quelqu’un d’autre son tuteur, peut-être qu’il comprendrait.
Mais en même temps, il faut que tu prennes du recul avec ça. Si le p’tit bonhomme comprend pas depuis le début de l’année, c’est peut-être parce qu’il devrait la reprendre, non? Mais ça, tu peux pas en parler. Surtout pas à ses parents. Parce que tu peux pas les décevoir. Ils ont tout misé sur toi pour sauver l’année de leur garçon. Ça fait que t’avances prudemment, les épaules non seulement chargées du poids que ton p’tit bonhomme pis ses parents t’infligent, mais aussi de la pression que tu te mets à toi-même. Parce que tu veux tellement tout donner.
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