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Le prix d’un rêve

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Je cherchais une maison. En ville, là. Pas la banlieue plate avec des maisons toutes pareilles, la haie de cèdre, la piscine en arrière, le tricycle dans la cour pis les deux chars sous l’abri tempo.

Pis pas dans ces lieux bucoliques de nature et d’eau fraîche où les bus se rendent pas ou une fois par année, parce que même si j’haïs entendre la radio poubelle que le chauffeur syndiqué que je paie avec mes impôts fait jouer pour entendre les animateurs vomir sur les syndicats et chier sur le transport en commun, je veux pas avoir de voiture en ville. Pas plus un chien, d’ailleurs. Parce que ça prend de la place, ça demande d’être entretenu, et tu sais quand tu commences à payer mais tu sais jamais quand ça va s’arrêter, surtout avec l’âge et le millage.

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Oui, une maison, c’est de l’argent, mais c’pas pareil. C’est un in-ve-sti-sse-ment.

Pis j’étais pus capable d’être en appartement. Dans les dix-sept dernières années, j’avais eu des logements insalubres, des colocs le fun quand t’es au cégep, des propriétaires plus de marde encore que la moyenne charge-trop-cher-répare-rien-est-jamais-rejoignable, des voisins atteints de maladies mentales – ok j’ai rien contre, sauf que quand tu voies que les pompiers, l’ambulance et la police se relaient aux vingt-quatre heures en avant de chez vous, ça te fuck le fheng shui pas mal! – pis un voisin vendeur de dope. Pus.capable.d’être.locataire.j’étais.

Fait que, payer dans le beurre et trop cher pour rester dans un logement trop petit où les champignons pouvaient abriter une centaine de schtroumpfs et leur descendance en champignons dans ma salle de bain, avec une cuisine dans laquelle il neigeait l’hiver et une chambre plus mal isolée qu’un igloo, où l’été je transpirais avec ventilateur et compresses tièdes et où l’hiver je m’endormais avec mon manteau, j’en avais plein mon casque.

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Donc, une maison. Mais fallait la choisir. Et dans Québec, c’est pas tous les coins qui m’intéressaient, comme je vous disais. En fait, qui nous intéressaient.

Est-ce que je vous l’ai dit que j’étais en couple? Fiancée en fait. On va se marier. Et on voudrait avoir un bébé, mais on sait pas quand.

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Limoilou! Ça vient de me revenir. J’avais oublié de vous dire le coin qui nous intéressait le plus. C’était Limoilou. J’y avais vécu dix des plus belles années de ma vie avec des luthiers hippies, des copeaux de bois dans le bain, des plans de violons sur les murs, un atelier dans le salon et une alternance Genesis-Jean Leloup dans la cuisine où fumaient cafés, joints et cigarettes entre les bières…

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Oui… c’est loin tout ça…

Faut juste que je revienne au présent maintenant.

Pour mon total-extraordinaire-génial-attentionné chum, notre super-merveilleuse-lumineuse-adorable courtière et moi, c’était devenu un genre de mission impossible, parce qu’on n’avait pas beaucoup de temps pour trouver à cause de ce que je résumerai ainsi : si vous avez des biens précieux et une descendance, faites.votre.testament.bâtard!

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Mais c’est cher, une maison à Québec! Une maison en ville, en général, c’est rare et c’est cher. Et avec un terrain? On oublie ça ou presque. L’espace nécessaire pour tracer un jeu de marelle et tes enfants se retrouvent déjà chez le voisin.

Et encore heureux, comme je le disais tantôt, qu’on n’ait pas de voiture, parce qu’on aurait dû prévoir, dans notre budget, un garage en plus!

Car on s’entend que tous ces éléments réunis (terrain, stationnement, maison avec de bonnes fondations-toiture-fenestration-isolation – autrement on a de potentielles maisons hantées pour  l’acheteur –) dans un secteur agréable où tu risques pas de te faire écrabouiller par un douchebag au volant de sa Civic si tu vas à pied à l’école avec ta marmaille, ni de marcher une heure avant de trouver une épicerie, sont pour ainsi dire aussi difficiles à trouver que le Graal l’était pour le roi Arthur.

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Donc, entre les centaines d’annonces qu’on a regardées, les dizaines de maisons qu’on a visitées, les bonnes et les désagréables surprises, les attentes satisfaites et celles déçues, notre recherche est devenu un marathon!

Parce qu’on avait une limite de temps, voyez-vous… Et on avait du stock – du beau stock – qu’il fallait récupérer d’ailleurs. De magnifiques meubles en bois. Des antiquités. Des instruments de musique rares et anciens. Toutes des merveilles que l’on refusait de vendre ou de mettre à la poubelle : nous les voulions avec nous dans notre nouvelle maison.

En attendant, on n’avait pas de place dans notre appartement déjà trop plein des deux décennies de vie que mon chum y avait vécues avec presque autant de colocataires différents. On aurait pu louer un espace dans un entrepôt, mais c’est des frais. Et entre le coût de l’évaluation de notre future maison, les frais de notaire pour régler la vente, l’hypothèque, la taxe de bienvenue (non mais quelle idée de marde, d’(osti)oxymorron d’appeler une taxe « bienvenue »!!!), les assurances, le déménagement, les comptes courants, etc., on risquait d’être…

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Alors, quand je vous parle de maison, de mariage et d’avoir un enfant, ça vous semble peut-être banal, mais ce rêve, pour moi, c’est la vie. Une vie qui va commencer avec un endettement de centaines de milliers de dollars sur les épaules, sur notre avenir, et si on fait pas attention, sur celui de nos enfants. Un total non-sens, une abomination que d’hypothéquer le devenir de notre descendance et de nos années les plus heureuses comme les plus difficiles quand on sera trop vieux pour produire, consommer, se défendre et peut-être se traîner.

Tant qu’à moi, ça devrait jamais arriver. Jamais quand ton rêve, c’est ta vie.

Parce que la vie, ça devrait pas avoir de prix.

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