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Le fléau du désengagement

L’autre jour, je lisais le livre Daring Greatly (Le Pouvoir de la vulnérabilité), de Brené Brown, une chercheuse et auteure qui est pas mal dans mon top 3 des femmes que je trouve inspirantes sur la Terre, et là, révélation! Je lis ceci (traduction libre) :

Quelle est la pire façon de trahir la confiance? Il couche avec ma meilleure amie. Elle ment à propos de la façon dont elle a dépensé l’argent. Il ou elle choisit toujours ses amis avant moi. Une personne a utilisé ma vulnérabilité contre moi. (…) Ces trahisons sont certes toutes terribles, mais il existe une sorte de trahison qui est insidieuse et aussi nocive qu’elles pour la confiance.

En fait, il s’agit d’une forme de trahison qui survient bien avant les autres. Je parle de la trahison du désengagement. Du fait de ne plus se soucier de l’autre. De laisser la relation s’effriter. De ne pas vouloir dédier temps et effort à la relation.

Lorsque les gens qu’on aime et avec qui nous entretenons un lien profond cessent de se soucier de nous, de faire attention, d’investir dans la relation et de se battre pour elle, la confiance commence à s’effriter et la souffrance s’installe tranquillement. Le désengagement fait resurgir la honte et nos plus grandes peurs – celles d’être abandonnés, de ne rien valoir et de ne pas être dignes d’amour. Ce qui peut rendre cette trahison déguisée encore plus dangereuse qu’un mensonge ou une liaison est le fait qu’on n’est incapable de mettre un mot sur notre souffrance –  il n’y a pas d’événement, pas d’évidence de cassure. On a l’impression de devenir fou.[1]

Voilà. Merci bonsoir. Elle venait de résumer en quelques phrases ce que j’avais déjà vécu plusieurs fois, ce que vous avez probablement déjà vécu aussi (et, on doit l’avouer, ce qu’on a probablement déjà fait vivre à quelqu’un d’autre).

J’ai repensé à ma première relation de toutes. Je me souviens que je trouvais que mon copain de l’époque passait plus de temps devant son ordinateur et avec ses amis qu’avec moi. Je me souviens lui en avoir parlé. Mais je me souviens aussi avoir fini par laisser cette distance s’installer entre nous, avoir arrêté de faire des efforts pour cette relation. J’étais, moi aussi, désengagée. Il existait entre nous une dynamique du désengagement. Le but n’est pas aujourd’hui de trouver le coupable, mais quand je me replonge dans mes souvenirs, ça me fait comprendre que le désengagement crée le désengagement.

L’omniprésence du désengagement

J’ai aussi repensé à mes amitiés, à ma carrière. Parce qu’on parle souvent de désengagement dans une relation amoureuse, mais le désengagement est pas mal partout.

L’été dernier, je discutais travail avec ma mère – la femme que je trouve la plus intelligente au monde (OK, je sais, c’est ma mère, mais reste que c’est ça pareil)-  et je lui disais que j’avais l’impression de ne pas trop savoir où aller, qu’il y avait tant de choix! Et elle m’a exposé une métaphore dont je vais toujours me souvenir :

  • Émilie, quel genre de personne as-tu envie de suivre dans la vie?
  • Eeee…Je sais pas trop…
  • Ceux qui s’engagent! Je te donne un exemple. T’as deux personnes qui sont devant cinq portes. Elles prennent du temps pour analyser les cinq portes. La première personne, après analyse, choisit une porte, l’ouvre, passe de l’autre côté, la ferme et part à la découverte. La deuxième personne, elle, ouvre la première porte, entre, essaye un peu ce qu’il y a derrière, mais ressort aussitôt pour aller ouvrir la deuxième porte, essaie un peu ce qu’il y a derrière, mais revient pour ouvrir la troisième porte, mais encore là elle est pas trop sûre, donc elle revient et essaie la quatrième porte, mais… et ainsi de suite. Toi, qui voudrais-tu suivre?
  • Ben, la première!

Je repense toujours à cette métaphore. Sur le coup, j’étais pas trop contente de répondre que je suivrais la première personne parce que je suis un peu comme celle qui garde toutes les portes ouvertes. Je me demandais quel était le mal à essayer plusieurs portes.

Et, ma mère de répondre à ça :

  • Le but est pas de dire que c’est mal d’essayer des choses. J’essaie juste de te dire que, tant qu’à essayer, essaye de tout ton cœur, engage-toi pleinement. Ça veut pas dire que tu vas pas finir par réaliser que c’est pas pour toi, que tu te tromperas pas, que t’auras pu de peine. On peut toujours revenir en arrière et changer. Mais je te garantis que l’engagement va te servir davantage que de toujours te garder une porte ouverte. Et même, je te garantis qu’en choisissant une porte et en t’y consacrant, d’autres portes vont s’ouvrir naturellement.

Qu’est-ce que je pouvais répondre de plus à ça? Ça fait que petit à petit, je me suis remise en question, pour voir si mes hésitations étaient pas dues à un désengagement et j’ai dû me l’avouer : j’avais souvent tendance à me garder plusieurs portes ouvertes et à abandonner rapidement. Alors j’ai décidé que j’allais commencer à m’engager davantage dans ce que je faisais.

Aujourd’hui, loin de moi l’idée de dire que c’est facile de s’engager – j’ai encore mes défenses qui me crient souvent de fuir – sauf que j’ai fait le constat que ça m’apportait davantage de satisfaction. Ça m’apporte plus de satisfaction parce que, dans ma vie amoureuse, dans mes amitiés, dans mon travail, je suis plus tournée vers les autres, je suis plus encline à partager mes émotions, mes désirs, mes besoins, à essayer de résoudre les problèmes, au lieu de garder tout pour moi et de me sentir incomprise et frustrée.

Mon mantra est maintenant de tout faire pour que quelque chose qui me tient à cœur fonctionne. Le jour où ça ne fonctionnera vraiment plus, je pourrai dire que j’aurai été engagée et que j’aurai fait des efforts. Et le jour où ça fonctionnera, je pourrai dire exactement la même chose. Et ça, c’est pas mal satisfaisant.

Source photo de couverture

[1] BROWN, Brené. (2012) Daring Greatly. New York : Gotham Books. p. 51.

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