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Le déménagement – Par Carolanne

Je suis sortie du bar comme ça. Les poches vides, les écouteurs dans les oreilles, pis une toune du groupe Mauves dans l’piton.

« Ce qui tempête la ville Euphorise les mauvais jours

Allège. »

Je marchais sur le trottoir en faisant bien attention de ne pas piler sur les « craques » (avouez-le, vous l’avez fait vous aussi) pis je me laissais aller au rythme de la chanson.

« La neige flambe les vaisseaux
Songes manèges. »

Je bois pas souvent. Mes amis se demandent toujours pourquoi. Faut se l’avouer, plusieurs d’entre eux profitent de leur majorité au maximum. Moi, j’bois pas trop, parce que j’trouverais ça triste d’avoir besoin de boire pour avoir du fun. C’est pas plus compliqué que ça.

En tout cas, j’ai marché un méchant bout. En arrivant en haut de la côte d’Abraham, j’ai vu du monde emménager dans un p’tit appart. Y l’ont choisi leur moment pour déménager, eux autres, que j’me suis dit. Je savais pas trop comment y’allaient faire pour rentrer leur divan là-dedans, alors je leur ai proposé mon aide. La fille, avec ses rastas pis ses stretch, m’a dit que ça lui faisait ben plaisir.

J’ai souri. Ça a l’air qu’à ce moment-là, je savais pas trop dans quoi je m’embarquais.

Faque le gars aux cheveux verts m’a indiqué le truck de déménagement du bout de son doigt jauni par la cigarette, pis y m’a dit de ramasser ce que je pouvais transporter moi-même. Alors j’ai ramassé des boîtes, pis des boîtes, pis encore des boîtes. « Y’en reste-tu dans l’truck? » Non.

Y m’a invité à entrer avec sa blonde pis quelques-uns d’ses amis. Y’avaient l’air bien dans leur minuscule appart. Ça leur en prenait pas gros. J’aimais ça. Le gars qui m’avait invitée a pris sa guit, pis y nous a fait signe de monter sur le toit. Oui oui, sur le toit. Y’avait une p’tite trappe au plafond. J’étais contente de pas être allée au bar en robe. Faque y’a un gars qui a ramassé une caisse de bières, pis un autre qui a amené un paquet de cigarettes avec son vieux Zippo. Moi, ben, j’ai juste laissé ma peur des hauteurs de côté, pis déjà ça, ça me prenait assez d’énergie. J’suis arrivée sur le top. C’était magnifique. Vraiment. La fille aux rastas, Jenna, m’a fait signe d’aller m’asseoir à côté d’elle. Elle m’a tendu une bière en souriant. Le gars (j’ai appris plus tard qu’il s’appelait Jack) s’est mis à gratter sa guitare. Les gars parlaient entre eux. Je me sentais bien. Jenn m’a raconté plein de trucs weird qu’elle a vécus. J’ai fait la même chose. On a ri à en avoir mal au ventre. Je m’étais rarement sentie aussi comprise que ça.

Y devait être rendu quatre heures du mat’ quand Jenn m’a demandé si je voulais rester coucher là. Je lui ai dit que je pouvais pas. On est restées parler un peu dans la nuit, sous les étoiles. On se disait que c’était beau. Elle m’a expliqué que Jack était pas son chum, même si elle aurait ben aimé ça. « Désolée », que je lui ai dit. C’est pas grave. « Je t’aime bien, chouchoune. » Moi aussi. « Bonne nuit. » Elle m’a serrée dans ses bras, elle m’a embrassée sur la joue. Tu vas revenir? « Promis. »

J’ai pris le 800 vers chez moi. J’ai laissé aller ma tête contre la fenêtre même si Dieu sait que le 800 donne beaucoup de coups. J’ai remis mes écouteurs, fatiguée d’entendre le bip des cartes à puce qui se départissent de leurs billets.

***

J’ai jamais eu la chance de revoir ces personnes-là. J’ai attendu plusieurs fois de voir cette petite porte poussiéreuse s’ouvrir, en mangeant des tacos à mon resto mexicain préféré : le Mexway. Il m’est même arrivé de cogner à leur porte.

***

J’ai appris plus tard qu’ils avaient déménagé à nouveau. J’aurais aimé les suivre. Ça peut paraître frustrant, mais je ne leur en ai jamais voulu. Ils visitent, ils découvrent, ils apprennent. Ils comprennent que le bonheur n’est pas le même partout. Ils comprennent que le bonheur ne se trouve pas qu’à une place.

Mais partout où ils vont, ils sèment une parcelle du bonheur qu’ils ont cueilli ailleurs.

Et chaque fois qu’ils sèment ce bonheur, c’est le monde qui devient plus léger.

 

Caroline Prud’homme, réviseure.

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