Après de brèves adieux, mes parents m’ont déposé en plein milieu d’un no man’s land avec mes deux grosses valises.
Sur le coup, je ne savais plus trop de quoi j’allais m’ennuyer le plus; de leur présence, ou de la voiture avec laquelle ils venaient juste de prendre la fuite. Être déporté pour aller à l’université, c’est bien beau, mais j’avais quand même des obligations qui me forçaient à retourner au bercail au moins une fois toutes les deux semaines. Et c’est sans parler du fait que le Campus de la santé de l’Université de Sherbrooke est en plein milieu d’une forêt, et que le seul chemin pour y accéder est une autoroute interdite aux piétons.
Bref, sans moyen de transport et sans le moindre sou, et face à la nécessité de nombreux allers-retours entre mon p’tit nid familial et mon nouveau chez-moi, j’ai dû me tourner vers la seule option qui me restait… non, pas vendre mon corps, mais plutôt commencer à faire du covoiturage. J’ai donc accueilli à bras ouverts les groupes Facebook de covoiturage et les services comme AmigoExpress. De façon générale, le résultat s’est vraiment avéré positif.
C’est sûr que y’a toujours un certain « risque » lorsque t’acceptes littéralement de confier ta vie aux mains d’un étranger, le temps de quelques petites heures. Assez paradoxal, si l’on considère qu’on manque parfois de confiance envers des gens qui nous sont beaucoup plus proches, à propos de choses beaucoup moins importantes. Mais c’est justement ce qui procure un aspect charmant, peut-être même enchantant, à cette idée d’embarquer avec un inconnu : c’est une opportunité permettant de faire des rencontres extraordinaires et des découvertes surprenantes.
La première fois que j’ai covoituré avec un « inconnu », direction Sherbrooke à partir de Montréal, je me souviens que j’étais pas très à l’aise. Surtout que plus tôt dans la journée, j’avais débarqué au mauvais endroit, et avais dû traverser la ville au grand complet sur mes deux jambes avant d’aller me réfugier à la bibliothèque de McGill pour un bon trois heures en attendant mes amis (bon, au moins, je passais bien pour un étudiant local). Pendant le trajet, je me suis mis à cogner des clous alors que la conductrice essayait d’entamer une conversation… bref, malaise.
Nul besoin de dire que mes expériences subséquentes ont été beaucoup plus enrichissantes. J’ai fait la rencontre d’un étudiant en ingénierie qui avait fondé une famille, une étudiante en médecine fascinée par la culture marocaine, une étudiante en administration nostalgique de ses cours de sciences. À travers ces trajets, on a discuté de musique, de bouffe, de philo, de la vie, de tout et de rien. Je partageais mes passions et mes ambitions, et en retour, celui ou celle qui était au volant m’offrait un cours d’introduction à la culture marocaine, m’aidait à réviser mon anatomie humaine, me présentait ses derniers goûts musicaux ou débattait avec ardeur au profit de son champ d’études. Et dans tous les cas, j’étais surpris à quel point, après chaque covoiturage, je ressortais avec un p’tit sentiment de satisfaction. Peut-être parce que j’avais appris quelque chose, peut-être parce que je comprenais plus la vie, ou peut-être juste parce que j’étais content d’avoir fait la rencontre de ces gens si différents, mais si intéressants. Le trajet, quant à lui, s’effectuait en l’espace d’un clin d’œil.
Je dirais donc la chose suivante : si ceux qui ont la chance de vous accompagner lors d’un éventuel covoiturage sont le moindrement ouverts d’esprit, alors n’hésitez plus et entamez la conversation. La richesse de la discussion qui en découlera est à mes yeux un bien précieux, agréable, qu’on ne retrouve pas n’importe où, d’ailleurs. C’est ce contexte particulier qui parvient à unir des gens qui ne se connaissent pas dans un espace de quelques mètres carrés, le temps d’une balade, qui rend possible une telle chose.
Est-ce que je suis resté en contact avec tous ces gens que j’ai rencontrés lors de mes excursions? La plupart, non. Je dirais que ces rencontres ne sont pas destinées à être maintenues dans le temps, sauf exception. Il faut savoir les savourer, pour le temps qu’elles durent. C’est pas d’ailleurs ce que nous, les jeunes, on préconise? #YOLO?
Et puis, au-delà de tout cela, c’est un moyen de se déplacer qui est super écologique (oui, le réchauffement climatique existe et c’est un enjeu à prendre absolument au sérieux!).
Par Foan Song
Geneviève Lamoureux
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