J’ai été prise au dépourvu quand tu m’as dit qu’on allait prendre le temps. La première soirée, tu ne m’as pas proposé d’aller à ton appartement, t’as même pas tenté de m’embrasser. La première soirée, on a parlé. Point final. Moi, j’étais habituée aux débuts de relations fast-food. À tout avoir la même soirée. C’était comme avec les échantillons gratuits : rapide et efficace. C’est assez typique de notre société, où on veut tout, tout de suite et en un clic. On veut avoir un aperçu rapide de l’efficacité du produit. Déboussolée par cette nouvelle approche, j’ai passé par toute une gamme de sensations, allant de l’insécurité à la fierté de me dire que pour une fois, j’allais pouvoir analyser avant de foncer. Au fil de nos rencontres, j’ai réajusté mes pas, parce qu’on n’avait clairement pas la même cadence. J’avais débuté au refrain alors que toi, tu tardais au premier couplet. Tout ça me semblait franchement interminable. J’avais la peur qu’on me remplace, j’avais l’envie de te dire d’accélérer d’un coup qu’on se tanne. Tout d’un coup qu’en prenant notre temps, on arrive à la conclusion que ça n’en vaut peut-être pas la peine.
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Prendre son temps. Qui de toute façon en a assez pour le regarder s’écouler? Et puis, comment peut-on prendre son temps tout en s’assurant d’une réussite? On naît dans une société où on est très vite conditionné à la performance. Performance scolaire, performance sociale, performance physique, performance amoureuse, tout y passe. C’est comme si, dans cette course folle, on courait après notre idéal, on courait après tous ces objectifs qui nous rendront heureux. Mais au bout de cette course, qu’est-ce qu’on aura gagné? De quoi nous serons-nous réellement imprégnés? En passant notre temps à nous étourdir, on ne remarque pas tous les paysages qui ont défilé. C’est la destination qui compte. Rien à faire de ce qui s’est passé entre le point A et le point B. Et pourtant, aura-t-on les souvenirs de la gêne des premières discussions, des sourires échangés, des saveurs du premier baiser, des lueurs dans nos yeux, des premières caresses et des odeurs du premier repas partagé? Et si prendre le temps, c’était aussi l’art d’apprécier ce qui nous arrive? C’est donc dans cet esprit que je me force à ralentir le pas, à m’émerveiller devant les beaux moments qui nous arrivent sans vraiment savoir ce qu’on est l’un pour l’autre.
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