C’était en février, le lendemain de ma soirée d’anniversaire. Mes amis et moi étions là, autour d’une table, prêts à manger ces œufs bénédictines qui allaient nous permettre de renaître après une soirée trop généreuse en Jägerbombs.
Nous ressassions les souvenirs (flous) de la veille. Puis, un de mes amis autour de la table m’a regardée.
– Ton ami Guillaume, là. Vous avez couché ensemble combien de fois?
J’ai manqué m’étouffer.
– Jamais. C’est mon ami.
Ma phrase fut accueillie par un rire de la part dudit ami.
– Ça va arriver à un moment ou l’autre. L’amitié entre les gars et les filles, ça n’existe pas. À un moment donné, y’a toujours un des deux qui va commencer à développer une attirance pour l’autre. Pis vous, c’est genre flagrant.
Je n’ai pas répondu. D’une part, parce que j’étais sous le choc. Il me parlait de mon bon ami. De celui qui, depuis des années, m’a vu pleurer, saoule, vomir, danser, stresser, rire, être solidement dans ma semaine. Il me parlait de celui qui occupe une place importante dans ma jeune vie, depuis maintenant plus de 5 ans.
Et d’une autre part, parce que je ne savais pas quoi répondre.
La vraie affaire, c’est que dans mes moments de faiblesse, seule assise en bobettes dans mon salon, sac de popcorn au cheddar blanc en main, toque molle sur la tête et face démaquillée très peu glorieuse, je me dis que ce serait don’ plus facile s’il était là, à mes côtés. Sur une base quotidienne.
S’il était plus qu’un ami.
Ça m’est arrivé à plusieurs reprises d’avoir la réflexion. De me demander si notre amitié était purement platonique. Ce gars, je l’aime d’amour. Plus que tout.
Mais avec les années, j’ai réalisé que l’amour, ce n’est pas nécessairement être en amour.
Des fois, je me demande ce que ça serait, le frencher goulument. Je me demande ce que ça serait, voir son entrejambe. Je me demande ce que ça serait, passer mes soirées, mes fins de semaine, ma vie avec.
Et chaque fois, c’est la même chose : je rêvasse quelques instants dans ma tête, le temps de repasser en boucle ma charmante cérémonie sur le bord d’une falaise en Irlande, suivie d’une réception Pinterest featuring ma robe de mariée bleu poudre (oui).
Puis je réalise comment, quoique confortable et sécure, ma vie relationnelle serait trop douillette si j’étais pour finir mes jours avec lui. Ma vie relationnelle serait cette paire de pantoufles que tu gardes depuis trop longtemps dans ta garde-robe, et que t’enfiles par les soirs pluvieux aux airs mélancoliques.
Je l’aime d’amour, oui. Est-ce que notre amitié a parfois été teintée de zones grises? Oui. Est-ce que ça m’est arrivée de passer à deux doigts de le texter alors que j’étais un brin (lol, beaucoup) grelot sur St-Denis à une heure indécente? Oui. Est-ce que je le trouve beau? Absolument.
Je l’aime d’amour, oui. On se connaît de fond en comble. On n’a plus besoin de se découvrir. On connait nos moindres plis.
Notre histoire d’amitié est une valse de zones grises, et elle le restera toujours. Il y aura toujours ces moments de silence où mon cœur se contracte alors que je le regarde, et que ses yeux perçants se plongent dans les miens.
Je l’aime d’amour, oui. Mais je ne suis pas en amour avec, et je ne pense jamais l’être. On est rendus loin, trop loin dans notre amitié pour que celle-ci se transforme en une relation de couple.
Je l’aime d’amour, et je continuerai de valser dans ces espaces grisâtres qui nous entourent pour les années à suivre.
Crédit photo couverture : Annie Spratt