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L’allégorie du char

Quand les fanions fleurdelisés sont décrochés, que les poêles à hot-dogs sont rangés; on peut dire que la fête est terminée. Quand la vidéo d’une parade a fait le tour du web en suscitant l’écœurement et l’indignation de milliers de citoyens, quand on sonne l’alarme de la controverse, quand les memes de Tintin au Congo sortent, quand des journalistes remâchent ça en un vulgaire fait divers; on peut dire que la fête est tar-mi-née.

Nous avons tous vu la même chose. Nous avons entendu le grincement de roues crasses en crisse de ce char imposant tiré à force d’homme par de jeunes adolescents. Entendu des bribes de « Mon cher Québec, c’est à ton tour… », chant de sirène des perdus en mer. J’ai entendu cet écho patibulaire en chœur, par ces dizaines de paradeurs sapés de blanc comme leurs cheveux, avançant mollement comme une hallucination de dystopie cauchemardesque de zombies péquistes.

Nous avons lu l’écœurement de Québécois rouges, blancs, bleus, noirs, jaunes, carreautés, marbrés, sur la page de La Fête nationale à Montréal.

Au moment d’écrire ces lignes, nous n’avons pas lu d’excuses, que des clarifications, des justifications et des explications.

Nous avons lu Mario Girard dans La Presse qui nous dit que « cette histoire est bien malheureuse. On doit la ranger dans la catégorie des emportements inutiles, des dérapages incontrôlables. Alors, la prochaine fois qu’une telle chose se produira, on se calme le mouton, on respire par le nez et on prend le temps d’aller au fond des choses ».

Nous avons lu Simon Jodoin dans le Voir qui nous dit « Oubliez le scandale. Débarquez de vos grands chevaux avec le racisme allégorique. Le vrai scandale, ici, est de bout en bout esthétique. C’était laid. Ça suffit de le dire. D’ailleurs, si vous me permettez une réflexion, on ne s’indigne pas assez à propos du laid. On devrait. Le vrai crime, dans toute cette histoire c’est la laideur à laquelle se joignent la platitude, le grotesque et l’insignifiance. »

Dans le texte de Mario Girard, il nous raconte comment le costumier de la Fête était tout tristounet qu’on puisse avoir été révoltés par l’uniforme beige imposés aux « porteurs ». Et qu’il avait full de peine… qu’on n’ait pas aimé ses costumes. Girard s’est aussi entretenu avec le président du Comité de la Fête nationale à Montréal pour qu’on nous confirme bel et bien que ce que nous avons vu n’était pas raciste.

Simon Jodoin nous dit de regarder ailleurs, de dire que la parade était laide point. Peu importe la douleur infligée d’un tel spectacle, aussi insensible et arriéré.

Dans aucune de ces tribunes il aura été utile de faire appel aux communautés, aux représentants qui auraient eu un mot à dire, dans cette époque où l’hostilité monte en flèche. La diversité, c’est aussi de passer le micro de temps en temps. Vous savez, pas demander l’avis de ceux qui paradent, mais plutôt demander l’avis à ceux qui poussent le char, t’sais.

Merci, les messieurs, de nous aviser, du haut de votre tour, quand ce sera vraiment du racisme, parce qu’en bas, des fois, sous la chaleur et le grincement des roues, ça se pourrait qu’y en ait qui n’entendent pas.

D’autres points de vues ne feront pas de tort : l’article de Pablo Michelot sur le webzine L’Encre Noir et celui de Lise Ravary dans le Journal de Montréal.

Source photo: La Presse

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