Qu’ont en commun Wrecking Ball de Miley Cyrus, Roar et California Gurls de Katy Perry, Dynamite de Taio Cruz et une plainte pour agression sexuelle déposée par Ke$ha? Dr. Luke.
Producteur extraordinaire, plusieurs fois récompensé pour ses compositions, Luke Gottwald est déjà dans nos vies, car il est l’homme derrière les hits que l’on entend presque chaque jour à la radio. Voilà qu’il fait les manchettes ces dernières semaines pour une raison beaucoup moins joyeuse que les mélodies qu’il compose habituellement : il est poursuivi par Ke$ha pour agression physique, sexuelle et émotionnelle.
L’interprète de Tik Tok affirme que son producteur serait coupable de l’avoir battue à sa résidence de Malibu, de lui avoir fait des avances sexuelles répétées et de l’avoir agressée sexuellement après l’avoir forcée à sniffer une substance inconnue.
La réponse de Dr. Luke? Tout est faux, les poursuites ne sont qu’une tentative désespérée de l’artiste pour mettre fin au contrat qui les lie ensemble. Même qu’il poursuit l’entourage de Ke$ha pour diffamation.
Qui croire? Qui dit vrai? Honnêtement, qu’est-ce que j’en sais? Les poursuites judiciaires, surtout pour des causes aussi sensibles que les agressions sexuelles, font couler beaucoup d’encre. Mais pour être franc, à part les faits que je viens d’étayer plus haut, tout le reste n’est que pure spéculation. Commencer à chialer que les producteurs sont des salauds serait une atteinte grave au principe de base de la justice « Innocent jusqu’à preuve du contraire ». Par contre, en dehors du fait qu’il s’agit d’une potentielle agression et qu’il faut qu’on soit ouvert à ces dénonciations, cette situation comporte plusieurs éléments qui méritent attention et débats.
Les doigts qui pointent
Dans la vie, les positions se prennent vite et les idéaux arrivent avant les idées. Résultat : l’agresseur et la victime potentielle sont pointés du doigt sans qu’on ait de faits. De fausses accusations d’agressions sexuelles peuvent détruire une vie – je crois que tout le monde en convient – et là n’est pas le problème. Surtout que la justice dispose de recours pour une personne qui a été faussement accusée et qui désire réparer les dommages causés à sa réputation par la médiatisation de calomnies. Le problème arrive lorsqu’une victime potentielle doit endurer les répercussions d’une dénonciation. Le spectre du mensonge s’installe dès que la plainte est connue et, dès cet instant, la crédibilité de la personne est attaquée. La victime se voit donc obligée d’endurer le jugement et le scrutin de tous ceux qui doutent. Dénoncer une agression n’est jamais un acte facile et c’est encore pire lorsque quelqu’un de proche est impliqué. Pointer du doigt la victime potentielle, c’est rajouter de la souffrance à une épreuve, c’est montrer que dénoncer peut être aussi pénible que le crime subi, c’est décourager d’autres victimes, c’est planter l’horrible question : « Est-ce que la justice vaut la peine que je vive un autre enfer? ».
Retour à Ke$ha
J’ai parlé de crédibilité tout à l’heure, et bien tous ceux qui connaissent Ke$ha (Kesha Rose Sebert, de son vrai nom) sont conscients de l’image qu’elle projette. Celle d’une fille qui aime le party et qui, sans retenue, parle d’une sexualité sans barrière (You know I just can’t get enough/ Who’s next/ Who’s next fun time n sex). Elle aime le sexe, ben oui. Elle consomme des substances aussi. Good for her. Même si ce ne sera jamais un facteur pris en considération par des juges compétents, cela reste un fait soulevé dans le procès public qui précède. Par souci de concision (et peut-être pour me garder du contenu pour un prochain article), je ne m’étendrai pas longtemps sur le sujet du slut-shaming. Je vais me contenter de la formule mathématique suivante que j’ai voulue très simple :
Aimer le sexe ≠ vouloir le viol
Je crois le tout assez clair.
Maintenant, pourquoi n’entendons-nous plus parler de Ke$ha? Bien, voilà, le fait est qu’elle poursuit le producteur avec qui elle a un contrat d’exclusivité. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que l’atmosphère entre les deux est plutôt tendue et peu propice à la création. Elle ne peut donc pas travailler avec Dr. Luke, mais elle ne peut pas non plus travailler avec d’autres personnes, sous peine de briser son contrat et de s’exposer à d’autres poursuites. Par contre, de son côté, le « Docteur » peut continuer de produire autant de chansons qu’il le désire et ainsi remplir son compte en banque. En effet, il a travaillé cette année pour Flo Rida, Ciara et il a un projet pour 2016 avec Azealia Banks, pendant que Ke$ha flotte dans un purgatoire judiciaire et culturel, incapable de mettre de l’avant un projet musical. Dans l’univers de la pop, c’est une énorme nuisance pour sa carrière et c’est horrible que, dans notre société, une victime potentielle doive choisir entre dénoncer ou poursuivre sa carrière.
D’ici à ce que de quelconques preuves nous parviennent, je vais prendre le bord de Ke$ha, par principe. Fondamentalement, accuser n’est pas un crime, c’est un droit, et l’exercice d’un droit ne devrait jamais causer de tort à qui que ce soit. L’inverse équivaudrait à se condamner à revivre dans une société du silence où sont persécutés ceux qui osent se lever contre le pire de l’homme. Je lève mon chapeau à tous ceux qui, après avoir été agressés, à travers toutes les séquelles que cela peut laisser, trouvent la force de se lever et de se battre, encore, pour la justice. Gardez la tête haute parce que, sans le savoir, vous êtes des exemples pour tous ceux qui n’ont pas encore trouvé la force d’affronter le crime d’un autre.
Pour ceux qui pourraient en avoir besoin, je vous invite à consulter le site des centres d’aide aux victimes d’actes criminels.