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L’accès à l’avortement dans le monde : un droit loin d’être gagné

L’accès à l’avortement est encore loin d’être un droit acquis. Encore aujourd’hui, des milliards de femmes dans le monde en sont privées et recourent à des techniques artisanales mettant leur santé en danger pour mettre fin à une grossesse non désirée. Selon l’Organisation mondiale de la santé, pas moins de 25 millions d’avortements clandestins sont pratiqués chaque année. Alors que le sujet a fait les manchettes au cours des dernières semaines, voici un petit topo de la situation à l’international, car bien qu’on puisse se réjouir pour l’Argentine et l’Irlande, on ne peut vraiment pas crier victoire.

Le 14 juin dernier, lors d’un vote historique, le gouvernement argentin a légalisé l’avortement malgré la vive opposition de l’Église. Les images émouvantes ayant capté la réaction des femmes à la suite du vote nous rappellent que la lutte doit toujours être menée. Le 25 mai dernier, c’est l’Irlande qui, par voie de référendum, disait également oui, alors qu’auparavant l’accès n’y était autorisé qu’en cas de risque substantiel pour la santé de la femme, et ce, depuis 2013 seulement. Ainsi, un viol, l’inceste ou une malformation du fœtus n’étaient pas considérés comme des raisons suffisantes pour interrompre une grossesse. Pendant ce temps, les États-Unis se retirent du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et Donald Trump menace un droit qui était pourtant acquis depuis 1973. Le 2 mai dernier, l’État de l’Iowa a mis en place la loi la plus restrictive du pays en interdisant l’avortement dès qu’on entend les premiers battements de cœur, ce qui peut être possible dès six semaines. Or, à ce stade, plusieurs femmes ignorent toujours qu’elles sont enceintes. À voir les débats qui font rage sur la question, on peut craindre que d’autres États américains emboîtent le pas.

Seulement une soixantaine de pays dans le monde autorisent l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans restriction alors qu’une vingtaine l’interdisent complètement, principalement en Amérique latine et en Afrique. Même en Europe, on compte quelques pays conservateurs de tradition catholique qui restreignent fortement l’accès à l’IVG. C’est le cas de l’île de Malte, de Chypre et de la Pologne, où les femmes sont forcées de s’exiler et de dépenser des milliers de dollars pour procéder à l’avortement en cachette. Malte est l’état le plus strict et n’autorise l’IVG sous aucun prétexte, c’est-à-dire même lorsque la vie de la femme est en danger. On peut espérer que ces pays sauront assouplir leur législation en réponse au mouvement engendré par l’Irlande. Pendant ce temps, la situation recule en Pologne avec la mise en place d’une législation de plus en plus restrictive sur les conditions d’accès à l’IVG et on apprend que le 5 juin dernier, l’archevêque de Saint-Andrew et d’Édimbourg en Écosse a inauguré un centre pro-vie afin de mener une campagne anti-avortement.

Le plus inquiétant dans cette histoire est que le taux d’avortement est plus élevé dans les pays où l’avortement est complètement prohibé puisque ce sont également les régions du monde où l’accès à la contraception est le plus restreint et où les crimes sexuels sont fréquents. Ainsi, peu importe si c’est légal ou non, de nombreuses femmes qui se trouvent aux prises avec une grossesse non désirée feront le choix d’utiliser des techniques risquées pour l’interrompre. Ainsi, comme l’a énoncé Diana Greene Foster de l’Université de Californie : « On n’empêche pas les avortements en les criminalisant, mais on conduit les femmes à recourir à des services ou à des méthodes illégales ». Cette situation est notamment observable en Amérique latine où l’IVG est presque totalement interdite. Au Salvador, l’un des états les plus sévères du monde, les femmes qui interrompent leur grossesse sont passibles de 20 à 30 ans de prison. On peut estimer que le phénomène se produit également en Afrique, où l’interdiction à l’avortement est la norme et où seules la Tunisie et l’Afrique du Sud le tolèrent sans restriction.

Parallèlement, l’Inde pratique l’avortement sélectif où naître fille est indésirable. Bien qu’une loi l’interdise depuis 1994, les médecins continuent de pratiquer l’IVG tardive sur les fœtus qui ont le malheur d’être féminins ou de procéder à des échographies précoces afin de connaître le sexe du bébé. Celles qui naissent sont susceptibles d’être victimes d’abandon, de négligence ou d’infanticide. En février dernier, un rapport a révélé le déséquilibre démographique engendré par ces pratiques sordides. Ce sont 63 millions de filles qui sont « manquantes » à la population indienne.

En regard de la situation dans le monde, les groupes militants doivent non seulement se battre pour la légalisation de l’avortement dans les pays conservateurs, mais combattre toute régression dont la menace est tangible et réelle dans plusieurs États. L’accès à l’avortement pour toutes est donc loin d’être acquis et c’est la santé de millions de femmes qui est mise en péril par des lois restrictives et rétrogrades.

Source

Sources consultées :

Franceinfo, Avortement au Salvador : les dérives de la loi

Genre en action, Inde : la malédiction de naître fille

Guttmacher Institute, L’avortement en Afrique

HuffPost, La loi anti-avortement la plus restrictive des États-Unis a été adoptée en Iowa

La Croix, Avortement : ce que disent les législations européennes

La Croix, L’archevêque d’Édimbourg inaugure le premier « centre pro-life » d’Écosse

L’Express, La société indienne a fait disparaître 63 millions de filles et c’est un drame

Libération, Accès à l’IVG : dans le monde, un droit toujours entravé

Libération, IVG : Malte, l’archipel archaïque

Sciences et avenir, Contraception et droits à l’avortement dans le monde : où en est-on?

Photo de couverture : Source

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