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La vie en rose

Dans un univers alternatif, on est né daltonien. Notre monde est en noir et blanc, des teintes infinies de gris.

La seule exception : les gens qu’on aime. Pour les premières années de ta vie, tu ne connais que la couleur des yeux de tes parents, la rougeur dans les pommettes de ton grand frère.

Jeune, on voit énormément en couleurs saturées, du vermillon et du turquoise éclatant à tous les jours. En grandissant, on en apprend plus sur le monde, les gens nous font de la peine, nous trahissent, et on perd de la saturation. Le monde devient de plus en plus gris.La première fois tu vois des yeux ambrés, ce sont ceux de ta mère. Pendant longtemps, tu crois qu’elle est la seule personne avec des yeux comme ça. Tu as tendance à les comparer à la fin d’une journée d’été, lorsque le soleil commence à bailler et se prépare à se coucher. En cinquième année, tu rencontres un garçon avec des yeux brun doré, similaires à ta mère, mais pas exactement identiques. Tu l’aides avec son devoir d’anglais et tu ne peux pas t’empêcher de fixer ses yeux.

Quand tu as 17 ans, ta meilleure amie te fait remarquer que tes deux chaussettes ne sont pas de la même couleur, tu en a une bleu ciel et une rouge radical (ta meilleure amie aime tout le monde puisqu’elle a une obsession avec les couleurs). Tu ne la crois pas, tu crois qu’elle te joue une farce, tu as vu ton amoureux ce matin, tu sais qu’il te l’aurait mentionné si tu avais deux bas de couleurs différentes. Non? Le lendemain, tu portes son chandail préféré, le bleu pâle (« comme l’océan ». ta meilleure insiste), mais il ne le remarque pas. Le soir-même, il te laisse.

(9 mois plus tard, tu le revois pour la première fois. Ses yeux sont encore et seront probablement toujours un mélange saisissant de noisette et de vert.)

Un mardi midi, tu remercies le barista qui te remets ton cappuccino et, comme un scintillement de lumière, tu aperçois sa mèche bleu foncé dans ses cheveux. Tu t’accroches à cette couleur, tu te remémores de la douceur qui te gonfle en voyant des couleurs inattendues. Lentement, tu recommences à aimer les gens autour de toi.

Les lèvres saumon du garçon qui te sourit dans le métro. Le vernis à ongles indigo de la main qui te prête un stylo avant l’examen. Le parapluie aux fleurs oranges partagé entre toi et un inconnu.

Ton visage, dans le miroir, la plupart du temps gris, rarement caramel. Parfois tu as peur de regarder. 19 ans et tu n’as jamais vu la couleur exacte de tes yeux. Mais un soir, après une semaine particulièrement difficile, tu remarques que tes cheveux n’ont plus l’air aussi gris foncé que d’habitude. Le marron semble prendre le dessus. Tu te colles le visage dans le miroir, tu jures que tu aperçois des minuscules teintes de vert. Et ça arrive soudainement, comme une lumière qui s’allume dans une pièce sombre : le vert mousse de mer avec les quelques fragments d’ambre de tes yeux, la mosaïque parfaite de tes parents.

C’est agréable d’enfin se rencontrer complètement, et à partir de ce moment-là, tu n’oublies jamais de t’aimer.

Par Trina Chen-Cormier

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