« J’ai d’autres façons de te dire que je t’aime… », dit-il en brassant sa soupe sur le feu comme une vieille mamie conne. « Regarde, là, je te fais de la bouffe pour la semaine, c’est une autre manière de te le dire. »
Il a l’air de trouver ça drôle quand je boude, il sourit tellement que je me sens mal de l’avoir comparé à une vieille mamie conne. Je le sais, dans le fond, que c’est une gentille mamie bienveillante.
Même s’il me flatte pas le bras, même s’il me caresse pas les épaules, le dos, les cheveux. Même s’il ne m’enveloppe pas de ses bras, une fois le pied hors du lit.
C’est juste que j’ai besoin qu’on me touche, j’ai un grand besoin physique. Pis j’ai l’impression d’être irritable quand il est pas comblé. Comme si l’hystérie existait vraiment, mais juste dans mon cas. Fait que je me pavane dans ses pattes comme une chatte en chaleur en espérant avoir, au pire, une main qui me flatte le dos sous mon vieux t-shirt doux, au mieux, une main dans mes culottes.
« Je m’excuse. »
« Voyons, Delph, c’est pas grave. »
Je baisse les yeux, gênée. Je ris jaune. Tellement jaune que je pense que j’ai pogné la jaunisse à force d’être mal à l’aise.
Je veux pas lui mettre de pression, je veux pas le forcer, je veux pas le mettre à bout. Je comprends qu’il est juste pas comme ça, qu’il me donnera pas constamment des becs, même si j’aimerais donc ça. Pis j’aimerais donc ça faire l’amour plus souvent. Prendre le temps de se montrer qu’on s’aime, s’embrasser. Pas des becs, de longs baisers langoureux. J’aimerais ça, j’aimerais tellement ça. Je nous imagine parfois, étendus sur notre long, en train de frencher comme on n’a jamais frenché. C’est pas une figure de style, on n’a jamais frenché. Juste y penser, ça chatouille dans le bas de mon ventre.
« Delph, me passerais-tu le sel? »
Je sors de la lune d’un geste peu gracieux qui rappelle un peu la fois où j’ai reçu un ballon de basket sur la tête au parc. Je lui passe le sel.
« Seigneur, t’étais rendue où? »
« Tu penses que j’étais rendue où? », dis-je avec une voix faussement suave et pleine de sous-entendus.
« Quelque part sous mon linge? »
« Oh oui! »
« Nouille. »
Pis j’aime tellement ça être avec lui. Je veux personne d’autre que lui, je désire personne d’autre, mais je sais plus où aller chercher ma dose d’affection. Je suis monogame full pine, je respecte les couples ouverts, mais c’est loin d’être mon truc. Je suis incapable de me concentrer sur plus qu’une chose à la fois, de toute façon.
Je sais pas dans quelle phase de la lune on est, mais tout me semble érotique, en ce moment; le mouvement de ses mains sur la cuillère en bois, la façon dont son t-shirt tombe sur ses épaules. Toute. On dirait que c’est calculé pour apparaître dans Bleu Nuit.
Ç’a pas de bon sens, ce qui se passe dans ma tête, j’dois être en train d’ovuler. Je me fumerais bien une cigarette pour me calmer, mais je doute que d’approcher une forme phallique de mes lèvres soit vraiment ce dont j’ai besoin pour me changer les idées.
« Je vais dans la douche. »
« Ok. »
J’ouvre les robinets, ben froid, et plonge sous le jet. Rien de mieux pour se remettre les idées en place. Je ferme les yeux.
J’entends la porte de la douche grincer. Une main chaude engage une balade sur mon sentier vertébral. Doucement, de haut en bas, jusqu’à glisser le long de mes reins, jusqu’à mes fesses. Un baiser se dépose sous mon oreille.
Je pense qu’il faut juste que j’apprenne à être patiente.
Crédit : Hadas Raiss