Je suis émétophobe. Ça veut dire que j’ai peur du vomi. J’ai pas peur dans le sens où je crains que la flaque se lève debout, du haut de son grand corps de vomi (parce qu’on sait ben que c’est vraiment grand et imposant un vomi) pis me pète la gueule. Non non, t’inquiète, j’suis pas si folle que ça. Mon trouble à moi est lié à pas mal tout le restant de ce qui tourne autour de cet acte de restitution qui me pollue l’existence. J’me pète des badtrips aussi solides qu’un hippie des années 70 sur l’acide à un show de Pink Floyd. Ça feel pas. J’vire su’le top dès que quelqu’un me dit qu’il a mal au cœur. C’est pour ça que j’ai toujours eu de la misère à sortir dans les bars. L’équation est simple :
Des jeunes qui ne savent pas boire + de l’alcool à profusion
=
un tsunami de vomissure
J’capote, j’aime pas ça. C’est l’angoisse à tout coup. J’ai peur de prendre des moyens de transport, t’sais si jamais quelqu’un est malade. Impossible, j’peux juste pas. L’an dernier, lors de mon stage dans une école primaire (remplie d’enfants porteurs de gastro, PANIQUE AU VILLAGE), j’étais plus stressée qu’un enfant soit malade dans la classe que de donner mes leçons… Malaise. J’aurais ben aimé ça, moi, sauver le monde, être infirmière pis aider les gens malades. Impossible, vomi-vomi-vomi.
Image tirée du film The Shining, 1980
C’est pas facile à expliquer à un nouveau boy qui entre dans ta vie, m’a t’le dire, fille. « J’te jure j’suis vraiment pas folle, mais si t’es malade des fois, ben ça pourra pas marcher. » Même quand les gens en parlent un peu trop : « savais-tu qu’une fois j’ai vomi dans un pichet pis j’lai rebu après, c’tait malade!!! » J’VEUX TELLEMENT PAS LE SAVOIR. C’est triste, parce que j’suis certaine que dans le jargon des « paspeureuxdlavomissure », ça doit vraiment être drôle. Mais chaque fois que le sujet de conversation tombe là-dessus, j’suis la rabat-joie qui change de sujet. J’ai pas l’choix, sinon j’me mets en boule pis j’appelle ma mère (gênant). C’est complètement irrationnel comme phobie, j’aurais pas pu avoir peur des fourmis ou des lampadaires, ben non, ça l’air qu’on choisit pas de quoi on a peur.
Quand c’est moi qui feel croche, que j’ai le cœur sur la flotte, inquiète-toi pas que tu vas le savoir. Quand j’suis malade, ça doit ressembler à un exorcisme. Je hurle des choses incompréhensibles qui semblent venir d’une autre langue. Je pleure, comme si tu venais de m’arracher un bras. J’dois avoir les yeux révulsés. Pis ma tête doit faire des 360. C’est la déchéance. J’suis comme ça depuis toujours. Même ma mère comprend pas pourquoi. Mais j’me dis que j’dois pas être la seule dans ce bateau-là (bon ok, pas un bateau parce que si t’as mal au cœur, j’te jette par-dessus bord ou j’traverse à nage). Avec l’âge, ça s’est pas amélioré. Ça doit être la fatalité du « trouble du régurgi ». Mais avec les années, j’ai réussi à me trouver des trucs. C’est sûr que j’suis une amie « pas yabe » quand mes amis l’échappent pis qu’ils sont malades, mais au moins ils le savent pis ils m’aiment pareil. Pis quand c’est moi qui suis malade, je sais que j’vais toujours pouvoir compter sur eux pour venir m’exorciser. Quand j’feel pas pour aucune raison, parce que j’me fais des scénarios où j’suis malade et seule chez moi, j’écoute un film que j’aime pis ça passe un peu. J’ai pas réussi à guérir, mais au moins j’ai appris à vivre avec. Maintenant je m’assume comme fille qui a peur du vomi.
Image tirée du film The Exorcist, 1973
Par Virginie Drapeau (POP-UP)