Quand j’tais jeune, y’avait pas d’câble. Pas d’fil, pas d’Internet, pas d’écran. On était ben. Dans c’temps-là, l’monde s’parlait, pis les légendes existaient encore. L’matin, on s’réveillait au chant du coq de m’dam Gendron pour se conter des belles histoires pis mettre des étoiles en d’dans des yeux d’nos enfants. Dans c’temps-là, on était ben bavards la plupart du temps, mais on s’épinait pas quand l’monde était quiet. La vie était simple. Le midi, on avait juste un bout d’pain à s’mettre dans l’gosier, pis on était heureux pareil. Dans c’temps-là, quand y’avait quet’chose qui marchait pus, on l’mettait pas aux vidanges. On l’réparait, on l’travaillait. C’tait d’même avec l’amour aussi. On décanillait pas à’ moindre occasion. Pis c’t’à propos de t’ça, mon histoire. C’t’à propos d’l’amour, pis d’l’espoir.
D’l’amour, on n’na jamais assez. Pis on sait pas trop c’est quoi. C’t’un frisson, p’t-être? J’sais pas plus que vous aut’. Mais c’que j’sais, c’est que c’te frisson-là, on n’na besoin. J’l’ai appris tout p’tit, dans les bras d’ma mère. À m’en donnait, d’l’amour. À m’en donnait tellement qu’j’aurais pu nourrir tout l’village de c’t’amour-là. C’t’ait un amour pur, un amour qui fait grandir à grands coups d’espoirs pis d’sourires. Un amour qui fait virer les joues rouges comme les feuilles d’automne pis qui fait briller les prunelles comme des étoiles au printemps. Mais imaginez-vous donc que ma p’tite mère est morte la veille de mes seize ans. J’avais pus d’amour. J’ai arrêté d’sourire. J’ai arrêté d’grandir, aussi. Mes yeux voyaient pus rien, pis j’t’ais blanc comme un drap en plein été.
Ça c’t’ait avant que j’rencontre la belle Édélie, un matin d’printemps. Je l’ai senti l’frisson, pis y’est pus jamais parti. Édélie, c’était le souffle du vent chaud en été et les couchers de soleil. Édélie, c’était mon bonheur. Était assise sur un p’tit banc, pis à regardait les gens passer sur la rue principale, le sourire aux lèvres. À trouvait ça beau, elle, les gens. Ce jour-là, j’me suis assis à côté d’elle, sur le p’tit banc. J’lui ai dit que j’comprenais pas pourquoi était si heureuse. À m’a dit que c’t’ait pas bon d’avoir trop d’attentes, qu’ça rendait la vie triste. « Prends le temps d’admirer la beauté des petites choses. » J’l’ai écoutée. La vie était belle, de même.
C’t’ait rendu que j’la voyais chaque jour, Édélie. Sur l’même p’tit banc. Not’ banc en pin. On parlait d’la vie, du village. À m’a dit qu’à l’aimait pas l’mariage : ça obligeait à planifier. Pis planifier, ça empêche d’être surpris, pis ça nous empêche de voir c’qui a autour. À l’avait raison. À parlait bien, la belle Édélie. À m’a promis qu’à l’allait m’apprendre. On a raconté d’belles choses aux enfants. Ça m’a r’donné mes étoiles. Y sont rentrées dans mes yeux aussi vite qu’y’étaient sorties.
L’espoir m’a r’trouvé. Mais c’t’ait pas l’même que celui qui m’avait quitté. C’t’ait un nouvel espoir. Celui-là, y m’disait qu’Édélie pouvait m’aimer. J’l’ai laissé entrer dans ma tête comme dans une maison. J’l’ai nourri de toutes les belles choses que j’voyais. J’lui ai donné de l’eau pour qu’y grandisse. Pis j’ai attendu, attendu, attendu. Pis y grandissait, grandissait, grandissait.
Un matin, j’ai cueilli une marguerite pis j’ai taillé un anneau dans une branche. Une branche de pin. Ça sentait frais, ça sentait bon, ça sentait nous.
J’ai rejoint Édélie, assise sur son banc. J’ai mis un genou au sol. À c’moment-là, j’lui ai demandé si à voulait ne rien planifier avec moi, pour le reste de sa vie. À l’a souri. À l’a dit oui.
J’ai fermé les yeux, j’ai remercié l’espoir d’avoir grandi si vite. Y m’a souri, pis y’a laissé la clé en d’ssous du tapis en sortant.
La belle Édélie pis moi, on a commencé à vivre de même.
Y’avait pas d’câble. Pas d’fil, pas d’Internet, pas d’écran. On était ben.
ANONYME