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Depuis mes quinze ans, j’ai papillonné d’une job étudiante à une autre. J’ai goûté aux plaisirs du service à la clientèle depuis une crèmerie, une quincaillerie puis un magasin de chaussures, avant d’avoir un solide coup de foudre pour le ludique et de me spécialiser avec un camp de jour, une compagnie d’animation et un jeu d’évasion. Si bien qu’à l’aube de ma première job d’adulte, j’ai un CV qui ne tient plus sur deux pages.

Fidèle à ma génération, je vis une certaine anxiété à l’idée de passer mes journées dans un bureau, bien que ce soit une opportunité en or dans mon domaine de rêve. Toujours est-il que je quitte ma dernière job étudiante avec une grosse boule dans la gorge.

J’ai le goût de rendre hommage. Aux horaires changeants, aux quarts sur appel, aux shifts coupés. À l’impossibilité de prévoir des activités trop longtemps d’avance, à défaut de savoir quels soirs seront passés à travailler. Aux tentatives de voir des amis pour se rendre compte que nos journées de congé respectives sont opposées. À l’envie de caller malade pour aller en camping ou à un festival. Au fait de travailler lors des journées fériées. Pour ma génération composée d’humains souvent apeurés de la stabilité, c’est une genre de bénédiction.

Ode aussi aux clients bêtes. À l’homme qui m’obstinait sur la politique d’exactitude des prix à la quincaillerie. Au père de famille qui a presque lancé une clé sur mon comptoir parce qu’il ne trouvait pas le cadenas correspondant au jeu d’évasion. Aux groupes qui ont demandé qu’on trempe leurs cornets dans le chocolat avant de nous reprocher que c’était trop sucré. Chers clients stressés, impatients, frustrés, vous qui défoulez votre frustration envers les grandes entreprises sur les jeunes qui vous servent pour financer leurs paiements de cell, merci pour les anecdotes. Combien de fois où vous imite en riant, une fois nos shifts terminés.

Une pensée pour les patrons. Ceux qui en demandent toujours plus et qui nous font prendre conscience de notre potentiel, ceux qui en demandent toujours trop et qui nous font prendre conscience de nos limites. Ceux qui deviennent autant tes amis que tes collègues, ceux contre qui tu parles avec tes collègues. Reconnaissance envers les patrons qui sont devenus des mentors, ceux qui ont réellement à cœur ton bien-être en tant qu’employé et en tant que personne. Merci pour l’expérience formatrice, celle qui va bien au-delà du savoir-faire que requiert le poste.

Et que dire des collègues. Les collègues qui travaillent paresseusement et pour lesquels on rushe deux fois plus, mais aussi ceux qui nous dépannent quand on est dans le jus et qui acceptent d’échanger de quart à la dernière minute. Ceux avec qui on partage ses frustrations et ses fiertés, ceux que l’on côtoie toutes les semaines. Ceux que l’on apprend à connaître de quart en quart et qui deviennent des amis. Ceux que l’on n’oubliera jamais.

Savoir apprécier le moment présent, c’est de prendre conscience qu’on vit aujourd’hui ce qui finira par devenir le bon vieux temps (petite référence à la finale de The Office ici). Prochaine fois que ton patron te demandera de rester plus tard tandis qu’un client te reprochera la sévérité d’une politique sur laquelle tu n’as aucun contrôle, garde en tête que ça risque de te rendre nostalgique un jour… Alors, souris à ton collègue, et prépare-toi à raconter l’anecdote lors de ton prochain party!

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