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J'm'en allais manger une salade pis j'suis tombée en amour

Ce soir là, j’ai pris mon char.

J’ai profité du paysage féérique de la 362 pis j’me suis laissée emportée jusqu’à Baie-St-Paul. Pas parce que j’avais envie de te voir en particulier, mais parce qu’on avait rendez-vous au St-Pub pis que j’allais pouvoir manger la fameuse Septième ciel.

T’sais, le genre de soirée où tu ne t’attends à rien, mis à part manger une salade, parce que ça fait longtemps que tu sais que, les amours, ça dure à peine le temps d’un été.

Ce soir-là, on a mangé, on a parlé, on a bu, on a ri, t’étais drôle. « Limite un peu immature », que j’ai dis à mon amie, quand on a fait notre compte rendu typiquement féminin dans les toilettes.

Plusieurs pichets de Dominus Vobiscum blanche plus tard, j’étais un peu engourdie pis j’t’ai laissé m’emmener au spectacle de la Saint-Jean.

Il faisait beau, il y avait de la musique au loin pis j’étais plus du tout pressée de m’en aller.

Rendus sur le site du spectacle, t’as désherbé près du trois quart du terrain de soccer sur mes beaux pantalons bleu poudre.

On a passé la moitié de la soirée à s’obstiner dès que chacune des chansons commençait. D’ailleurs, tu savais les reconnaître mieux que moi. Ça m’avait pas mal déstabilisé, surtout qu’avec toi, ça ne me dérangeait pas de ne pas avoir raison.

Quand le soleil s’est couché pis que Charlevoix est devenu un peu plus frisquet, t’as mis ta veste noire sur mes épaules.

C’était entre une tune de Paul Piché pis une autre de Marjo.

Je n’ai même pas eu besoin de te l’demander, tu l’as juste fait spontanément. Tu devais l’savoir que l’odeur qui allait effleurer mes narines en faisant ça allait me garder là jusqu’à la fin.

À un certain moment, il n’y avait même plus de musique pis on s’en était pas tellement rendu compte. Il restait juste le son du crépitement du feu pis les étoiles dans le ciel.

On s’est regardé. Sans rien dire, on a décidé de partir. J’pense qu’on avait juste envie de se lever pour s’assurer qu’il y avait encore de la gravité quelque part dans l’monde.

On a marché un peu croche, un à côté de l’autre, pis, devant l’école où t’as fait ton secondaire, on s’est embrassé.

J’dis « on », parce qu’on a jamais réussi à se souvenir exactement c’était lequel de nous deux qui avait fait le premier pas. J’pense que c’était juste naturel en fin de compte pis que ça n’avait pas tant d’importance, parce qu’on savait qu’on allait continuer de marcher ensemble pendant un petit bout.

Après s’être bien regardés cette nuit-là, pour être sûrs qu’on existait pis que c’était vrai, on s’est endormi. J’pense que je n’ai jamais été aussi bien dans les bras de quelqu’un de toute ma vie.

Quand j’ai ouvert mes yeux, t’étais encore collé sur moi, tu t’en foutais qui fasse chaud, qu’on se soit pas brossé les dents pis que le temps ai continué de filer.

T’étais encore là, pis t’étais beau, t’étais tellement beau pis vrai.

Ce matin-là, il a quand même fallu prendre la route vers chez moi.

En embarquant dans ton char, j’pensais que ça allait être comme à toutes les autres fois.

Sauf que toutes les autres fois savaient pas que, même si tu conduisais manuel, t’allais prendre ma main pis la serrer fort dans la tienne, tellement fort que je n’aurais même pas l’goût de retirer la mienne.

Après plusieurs baisers volés sur les lumières rouges qui s’étaient donné le mot pour qu’on passe quelques secondes de plus ensemble, on est arrivé chez moi.

Avec ton petit air gêné, tu t’es servi de l’angle mort que nous offrait le poteau de la galerie de la maison familiale pour me donner un dernier long baiser.

C’est là que j’ai su que, même si tu partais loin, même si ça allait être long avant que je puisse sentir la chaleur de ton corps sur le mien, ça valait la peine que je t’attende.

À partir de toi, tout le reste des amours d’été n’avait plus d’importance.

Je savais que, peu importe le temps que ça allait durer, j’avais enfin trouvé celui avec qui j’avais envie de voir changer les saisons.

Par Sophie Guérin

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