Tout jeu appelle à des parties. Qui dit « parties » dit « hasard », dit « batailles », « victoires » et « échecs » ; dit « certitudes » ? Rarement. Dit « questions » et « doutes » ? Évidemment. Douter appelle-t-il à renoncer ? J’ai envie d’affirmer que non. Non, car il fait partie intégrante de la game : « Je ne sais pas, mais j’y vais. » Pourquoi ce besoin quasi vital de savoir ? Cette injonction à la certitude ? Pourquoi le doute ne m’envahit-il pas comme une aventure surprenante, et non comme un danger à fuir ou à combattre ? La partie du jeu est plus intéressante, plus stimulante aussi quand on ignore où nos stratégies vont nous mener, n’est-ce pas ? Et pourtant j’aimerais poser chaque pion à l’avance et savoir que ce dernier a atterri sur la bonne case. Quelle case ? Celle du bon choix ? Celle de la réussite ? Quelle réussite ? Que signifie « réussir sa vie » ? Et puis, qui joue en face ? La vie elle-même, sans doute. Parfois, elle fait tomber les joueurs : perdu, échec et mat.
Néanmoins, une nouvelle partie n’est-elle pas toujours possible ? Même si le dernier coup semble fatal, il met fin à la partie, mais jamais au jeu. Il faut alors sans cesse recommencer, car la vie n’arrête jamais de jouer. Elle sera toujours là, à attendre la prochaine partie. Jamais elle ne crie défaite. Parfois, je gagne. Je sens que j’ai posé le pion à la bonne place : ça fit. Bim ! Tombé, le pion de l’angoisse ; tombé le pion du doute, de l’incertitude, de la tristesse ; mais la partie n’est pas terminée.
Pourquoi considérer ce face à face comme un combat ? Ne pourrait-on pas s’en saisir comme d’un jeu où toutes les combinaisons sont possibles et où chaque partie nous apprend quelque chose ? Pourquoi considérer la vie comme l’adversaire ? Ne pourrait-on pas devenir partenaires de jeu ? Partie après partie, abattre nos cartes, se surprendre, réajuster nos stratégies, les changer, les faire évoluer et continuer la game, toujours. Une défaite n’est jamais une fin en soi. Elle peut être le moteur d’une nouvelle partie plus avisée, plus précise. Elle nous apprend que les stratégies effectuées nous ont mené.es sur la mauvaise case, si tant est qu’il y en ait réellement des mauvaises. Et après ? C’est une erreur que nous ne commettrons plus. Finalement, n’est-ce pas ça, la vraie victoire : apprendre sur soi ?
Socrate dit : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. » Serait-ce là le propre de l’existence ? Accepter de jouer la partie sans savoir où elle nous mènera ? Se lancer dans l’aventure en laissant place au hasard et aux coups portés par le joueur d’en face ?
À chaque mouvement de l’adversaire, une nouvelle réponse est envisageable – une ou plusieurs, d’ailleurs. Droite ? Gauche ? Contre-attaque ? Repli ? Une palette de choix se dessine. Voilà qui demande parfois réflexion, analyse et prise de recul, mais les coups de poker sont les bienvenus : tenter, parier, faire confiance à son instinct en dépit des projections négatives. Quand la partie se resserre, il faut tenter le tout pour le tout. Quitte ou double ? Allons-y. Il arrive d’être d’ores et déjà en mauvaise posture, quel est le risque, alors ? Plus rien à perdre, tout à gagner. N’oublions pas : une nouvelle partie attend.
Finalement, si c’est la vie qui joue contre nous, n’est-elle pas toujours gagnante ? Joue-t-elle vraiment contre ou avec nous ? Dans la défaite ou dans la réussite, c’est elle qui mène la danse.
Alors, garde tes pions bien en mains, fais-toi confiance, continue d’apprendre et lance la prochaine partie. Car rejouer, c’est continuer à vivre.
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