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Je travaille dans un fast-food – Par Noémie

Je travaille dans un fast-food.

Ben oui. Et c’est pas tellement le genre de job qui donne goût à la vie.

Je veux dire, il m’arrive de perdre un peu foi en l’humanité quand par exemple, je dois (désolée) aller ramasser du caca sur les murs des toilettes.

Oui c’est vrai, non j’exagère pas, oui ça se peut croyez-moi.

Et là hier, il s’est passé quelque chose dans le fast-food.

Rien de dégueulasse. Promis.

Un vieux monsieur est venu prendre sa commande :

« J’vais te prendre un wrap avec du poulet, un thé vert dans un petit verre pis un muffin aux canneberges. Ça fait 9,15$ »

Les vieilles personnes adorent ça dire le montant de leur commande avant la caissière, ça doit donner un sentiment d’assurance, de contrôle.

Je le fais payer. Je prépare son thé, lui donne son muffin.

« J’peux-tu l’avoir chauffé ? »

Bien sûr que vous pouvez. Je reprends son muffin. Je l’emporte jusqu’au micro-ondes. Timer.

1.

6.

J’attends seize secondes. Je reviens avec son muffin chaud. Le gars en cuisine me crie que ça va être plus long, qu’y’a je sais pas quoi en cuisson.

J’annonce la mauvaise nouvelle au monsieur.

Il est pas fâché.

Moi, j’adore les personnes âgées. Les enfants, je suis pas capable, garrochez-les ailleurs de ma vue, ça m’énerve. J’aime pas les chats non plus, ils font chier les chats.

Moi, j’aime les vieux.

Alors je profite du temps d’attente pour jaser avec Monsieur Muffinchaudfinalement.

Salutations et on parle un peu de météo, évidemment.

Mais je sens que ça s’arrêtera pas là.

Et ça s’arrête pas là.

«  Ouin y’a eu un peu de nuages, mais y’a faite beau pas mal toute la journée.

Je le sais parce qu’à neuf heures à matin je suis allé à l’hospice prendre mam’ Lavoie.

Je l’ai emmenée au bord du fleuve.

T’aurais vu ça ma petite, c’était capoté. C’est tellement beau, pis c’est gratis en plus. Tu payes rien pantoute là, faut juste que tu te rendes.

C’est à Cap-Rouge, on peut emmener nos chaises pliantes ou ben s’asseoir su’l gazon. Pis la vue…

(Une autre employée emmène le wrap)

Aujourd’hui, y’avait plein de monde. J’t’ais un peu gêné parce que mam’ Lavoie pleurait. Était tellement contente. Était pu capable d’arrêter.

On est reparti ben juste sur l’heure du souper, vers cinq heures à peu près. On est resté la huit heures ma p’tite. On a jasé pis toute. On a mangé de la crème glacée.

Moi ma femme, (il sort une vieille photo aux coins pliés, aux bords déchirés, à l’image cicatrisée) est morte v’la 3 mois. En mourant, a m’a faite promettre de m’occuper de mam’ Lavoie. Avant, on la sortait ensemble partout où est-ce qu’a voulait aller; dans les parcs, dans les magasins, à l’île…

On était les seules personnes qui lui restait dans vie.

Mais là y reste juste moi. »

Je sais pas quoi dire.

Le monsieur me sourit, hoche la tête, s’en va.

Ce jour-là, il m’a redonné un peu de confiance en l’humanité.

Depuis, j’ai jamais arrêté de voir les belles histoires qui courent sur le visage des gens, dans leurs manies, à travers leurs mots.

Parce que la beauté, l’amour, la pureté, c’est dans les petites choses.

Comme une journée au bord du fleuve.

Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com

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