Longtemps j’ai eu le sentiment d’être maladroite et sans talents, simplement puisque je ne suis pas bonne à plein de choses auxquelles les filles sont censées avoir de la facilité. À la petite école, j’écrivais tellement mal que ma prof avait montré mon cahier plein de gribouillis disgracieux à toute la classe (merci pour le traumatisme, madame). J’étais incapable de faire de beaux bracelets d’amitié avec mes amies et j’étais toujours la plus nulle à la corde à danser.
Maintenant adulte, je rouspète que je ne suis pas une « vraie fille » puisque je n’arrive pas à faire un tracé d’eyeliner parfait, que je ne sais pas faire de tresses ou marcher avec des talons hauts. J’en ai passé, des heures devant le miroir à tenter de reproduire des coiffures élaborées ou à essayer de me faire des boucles au fer plat, mais je n’y arrive pas. Je ne l’ai pas, c’est tout. Chaque fois que je me mets du vernis à ongles, ça dépasse de partout et ne ressemble à rien. Je n’aime pas non plus payer quelqu’un d’autre pour le faire et je fuis les salons de coiffure plus souvent qu’autrement. J’ai d’autres priorités comme jouer dehors, lire ou passer du temps avec les gens que j’aime. Si vous me voyez avec des ongles fancy, dites donc merci à mes amies.
Mais au fond, est-ce que ça change quelque chose? N’est-ce pas l’occasion de lâcher prise et d’apprendre à m’aimer telle que je suis? Sans artifices, avec mes cheveux fous, ma ligne de sourcils inégale et ma maladresse? Est-ce si grave, si mes cadeaux ne sont pas parfaitement emballés comme ceux de ma mère et que mon écriture ressemble davantage à celle d’un ado qu’à celle d’un calligraphe?
Je ne me considère pas moins féminine puisque je suis dépourvue de ces aptitudes normalement attribuées aux femmes. J’ai plein d’autres talents et j’exprime ma féminité autrement! Et si nous laissions tomber les attentes que nous avons envers les filles et les garçons? Encourageons-les plutôt à faire ce qu’ils aiment et ce pour quoi ils ont de la facilité. Et en tant qu’adultes, cessons d’alimenter les stéréotypes genrés en prononçant des phrases comme : « Tu écris bien, pour un gars! » ou « Tu te débrouilles bien en mécanique, pour une fille! ». Mais ces phrases, je les prononce quotidiennement, et pourtant, ce sont les mêmes phrases qui m’ont blessée par le passé… Pire encore, j’ai blessé mon frère d’innombrables fois avant l’annonce de son changement de sexe. Je souhaitais partager des « trucs de fille » avec lui et je le harcelais de critiques comme « Tu es une fille, habille-toi donc plus féminine! ». Je l’encourageais à correspondre aux standards de son sexe de naissance sans comprendre toute la peine que cela pouvait lui causer. Maintenant je sais que peu importe notre sexe ou notre identité de genre, on a le droit d’être plus ou moins ci ou plus ou moins ça sans pour autant se sentir moins beaux ou talentueux que nos semblables.
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