Je tenais dans mes mains la pire vérité que j’ai eu à combattre de toute ma vie. Un test de grossesse avec deux petites lignes distinctes et bien foncées qui me narguaient de leur signification. J’étais deux dans mon corps. Le destin m’a pognée de court.
J’ai 20 ans pis je suis enceinte.
Je croyais que le pire était de choisir entre l’accouchement et l’avortement. Qu’après avoir fait ce choix qui me semblait impossible et surtout douloureux, le reste de ma vie allait suivre son cours, simplement… Mais non, le pire était sournoisement caché derrière « Je ne me ferai pas avorter ». Le pire c’était les autres.
Une lutte de deux valeurs fondamentalement différentes qui s’entrechoquent. Une bataille sans fin qui ne sert à rien. J’avais déjà entendu le deuxième cœur qui battait dans mon corps, je ne possédais plus la force de le faire taire. Pour les autres, j’étais trop jeune, trop naïve, trop indigne de porter le titre de mère. Mais pour moi, c’était trop tard, je l’étais déjà, une mère.
L’acceptation de mon état, à commencer par des deuils, encore difficiles à porter. Voir mes amis partir dans un nowhere en Europe, vivre comme si après dimanche lundi n’existait pas. J’étais là avec ma grosse bedaine à me commander des jus d’orange trop chers dans les pubs. Pis il fallait pas que j’oublie lundi parce que j’avais un rendez-vous chez mon médecin. Je n’étais plus la seule qui vivait ma vie on était deux. Mais je me sentais horriblement seule. J’ai dû faire un trait sur mon début de vie de jeune adulte , la seule étape de réelle et profonde liberté en quête de ton soi futur, j’ai eu la fast-pass pour l’étape d’après. J’étais pas si prête que ça, ben oui j’étais trop jeune, pas stable, et je ne savais pas ce qui m’attendait. Mais l’amour était embarqué dans l’histoire, plus rien ne pouvait me faire reculer. Encore moins la chanson d’Ariane Moffat : « Une poussière d’ange », encore moins un café avec ton amie qui s’est déjà fait avorter et encore moins « Tu vas voir c’est vraiment pas si pire que ça l’avortement ». On va juste mettre quelque chose au clair, j’ai pas choisi de mener à terme cette grossesse par peur de l’avortement. Entre toi pis moi, la finalité de TOUTES grossesses étant l’accouchement et il n’y a rien de pire que de sortir un être vivant par un orifice, qui, à première vue, est beaucoup trop petit pour en extraire quoi que ce soit!
Dans le fond, du haut de mes 20 ans et de mon énorme bedaine, j’étais perdue et j’avais peur. Je ne voulais pas de tes suggestions et de tes conseils sur l’avortement, j’aurais juste voulu avoir des « Félicitations » et une caresse de bedaine. À la place, j’ai eu de la haine, de la tristesse, des regards qui m’ont gelés le cœur. Je ne veux pas d’autre enfant et, encore, je dois faire des deuils, celui de faire un test de grossesse et pleurer de joie à la vue du positif, me faire prendre dans des bras à l’annonce de ma grossesse. Mon corps changeait, ma vie aussi, j’avais de la misère mais, il a fallu que je gère les autres.
Quatre ans plus tard, je ne recommencerai pas car mon cœur a été trop blessé, mais je ne regretterai jamais d’être devenue la meilleure mère possible pour mon enfant. Et ce, même si mon âge est indigne au titre maternel. Je combats encore les regards et les commentaires, mais cela n’est rien par rapport au passé.
Ma seule requête c’était qu’on accepte mon choix… pourquoi cela a-t-il été aussi difficile? La prochaine fois que vous voyez une « trop jeune » enceinte, mettez votre main sur son épaule au lieu de lui jeter une flèche empoisonnée dans le cœur. Et qu’on ne me dise plus jamais : « Est-ce que ton enfant était voulu? Me semble que tu es jeune pour en avoir un. »