J’ai réalisé dernièrement que je parle souvent de ma naissance dans mes textes. Faut croire que ça m’a marqué le subconscient au fer rouge. Mais bon, ce texte-là n’y échappera pas non plus.
Le jour où j’ai rebondi sur le ventre du médecin (je suis sortie à la vitesse de l’éclair : sûrement que je voulais me débarrasser de cette étape-là pis couper le cordon au plus sacrant, déjà assoiffée de liberté), j’avais deux caractéristiques :
Visqueuse pis veineuse.
J’étais sans doute la plus laide nouveau-née que la terre ait portée. Malgré tout, ni le personnel ni ma famille ne m’ont jugée pour mon apparence d’alien, non. Ils savaient tous sans exception que ma petite peau diaphane était le résultat de deux parents typiquement blonds et qu’elle mènerait à un teint blanc de porcelaine et/ou de lait avec le temps… ou d’albâtre, si on se fie au vocabulaire de mon fond de teint.
Tout le monde savait que c’était l’équivalent d’un mauvais sort que de naitre en ce siècle avec un tel teint. J’ai pu observer au fil du temps des milliers de regards faussement empathiques quand les gens se plaignaient de leur blancheur pas-si-extrême et qu’ils réalisaient que j’étais dans la pièce.
Comme si j’étais atteinte d’un genre de pathologie létale et incurable.
CHU YINK BLÊME, cul.
Je fais pas pitié.
Mais bon, on dirait que tout le monde s’entendait pour reconnaître ma pâleur comme un sujet sensible/un tabou.
Jusqu’à ce qu’une fois où je gambadais naïvement sur la plage, quand j’avais environ douze ans, je me suis sentie interpellée :
« Crime poff, faudrait qu’elle sorte plus souvent de chez elle, celle-là! »
Je savais qu’on parlait de moi puisque j’étais vraisemblablement la seule sur cette plage qui faisait réfléchir le soleil jusqu’à en éblouir les conducteurs de motomarine qui entraient ensuite en collision avec les dauphins du Lac-St-Jean. Je me suis retournée pour voir quel genre d’énergumène pouvait se permettre de passer un commentaire aussi injustifié à mon sujet, mais personne ne semblait être le petit comique en question.
Je scrutais l’horizon et seule une vieille sacoche de cuir semblait s’y trouver…
Ça m’a pris trois-quatre minutes pour réaliser que c’était en fait une femme allongée au soleil.
Woops. #Sorrynotsorry
À voir l’état de sa peau brune-orangée (girl, on sait que t’as triché avec de l’autobronzant, fais pas ta fière-pet), elle devait être là à dessécher depuis environ un million d’années.
Un léger soupir et j’ai continué mon chemin en me disant que je préférais quand les gens voyaient ma « condition » comme un tabou. Non, honnêtement, je lui aurais pété ma coche, mais fallait que je retourne mettre de la crème solaire au PC avant de me mettre à faire des cloques d’eau sur le chest.
C’était une des premières fois qu’on me passait des remarques du genre. J’ai ensuite eu droit à Docteur Monsieur-Madame-Tout-le-monde qui me diagnostiquait n’importe quelle maladie parce que « Seigneur, ça se peut pas que je sois en santé avec un teint de même. »
En voici d’ailleurs une liste abrégée :
- Anémie
- Diabète/Hypoglycémie
- Anorexie/Boulimie
- Tumeur du cerveau
- Leucémie
- Vampirisme/Sorcellerie
Le plus drôle, c’est la femme qui m’a obstinée une bonne dizaine de minutes, car elle croyait que je me maquillais pour avoir l’air blanche. Honnêtement, j’ai pas de temps à perdre à me poudrer la face, je suis pas Madame de Pompadour.
Je me console en disant que j’ai eu beaucoup de congés faciles au secondaire parce que j’avais l’air malade.
De toute façon, que l’on aime ou pas, un teint comme le mien (et celui de beaucoup d’autres filles), ça se change pas en une ride de toaster. Faut apprendre à vivre avec.
Pis à en rire.
Je vous laisse, il pleut aujourd’hui et c’est la seule température que je peux endurer. Je vais aller profiter de la nature.
Ciao
xoxo