C’était un matin comme les autres.
6:00. Le cadran sonne. Je me lève. Je descends les escaliers. Je déjeune. J’écoute Salut Bonjour. Je brosse mes dents. Je fais ma boîte à lunch. Je remonte les escaliers.
Comme les autres, je disais.
J’ai pris l’habitude de choisir mes vêtements le soir, avant de me coucher. Parce que sinon, je manque l’autobus. Même si je vais à l’école privée, et que donc, j’ai un uniforme, et que donc, j’ai pas grand choix, et que donc, m’habiller le matin ça devrait pas être ben ben compliqué. Parce que c’était compliqué. La jupe carreautée, ou la bleue? Les collants ou les bas? La chemise blanche, ou la bleue? Manches courtes ou manches longues? La veste ou le pull, ou les deux.
Et puisque ce matin-là est comme les autres, il y a dans ma chambre, sur mon lit, un ensemble tout propre et préparé, lisse et bien plié. Bas blancs aux genoux, jupe carreautée, chemise bleu ciel et veste marine.
Reste qu’à le mettre.
Je le mets.
7:12. L’autobus passe à 7:14.
Je cours, prends mes souliers, les mets pas (mais ça, je le fais même quand je suis pas pressée). Ma mère me lance ma boîte à lunch et mon manteau. J’ai oublié mon cell. Je remonte en haut. Je le cherche, le trouve, le mets dans la poche de mon manteau. Je redescends, sors par la porte d’en avant. L’autobus est là, la chauffeuse m’attend avec un sourire. Un sourire pas drôle.
Je monte les marches de l’autobus en regardant le sol. Je relève la tête et complimente la chauffeuse sur ses talons hauts. Elle dit merci. Un merci jaune et remarque « t’es en pieds d’bas ». Je dis « oui » et marche jusqu’au banc le plus au fond. La chauffeuse décolle. Je perds l’équilibre.
C’était un matin comme les autres.
Arrivée sur mon siège, je me cale au fond et pose mes sacs à côté de moi. Je branche mes écouteurs que je croyais avoir oubliés sur le comptoir. Sur mon cellulaire, je sélectionne Thriller de Mickael Jackson. J’appuie mes genoux contre le dossier du banc d’en avant. Je ferme les yeux et pose doucement ma tête sur la vitre, comme sur une épaule.
Mais ça brasse. Esti que ça brasse. Mon crâne cogne sur la vitre, sur le bord de fendre. Mes sacs tombent par terre, sur le plancher plein de marde. Mes dents mordent ma langue qui saigne des litres à profusion. Et mon corps tout entier se faire barioler comme un toutou de chien dans les bras d’une petite fille de 4 ans en plein mois de juillet.
Et c’est là, à ce moment précis, en montant l’interminable côte Du Manège (qui porte d’ailleurs son nom à merveille) faite de nids de poule parce que fuck l’asphalte, que je me suis rendu compte, ô combien trop tard, que je ne portais pas de brassière.
Pas de brassière.
Pas.
De.
Brassière.
Dizaines de constatations et d’élans de panique plus tard, j’attache ma veste et espère ne pas avoir de commentaires. Jusqu’à ce que :
- « Coudonc, t’as tu oublié ta brassière? »
Ben oui.
C’fait que j’ai détaché ma veste. Et j’ai assumé mon 32A en liberté. Pis ça l’a adonné que j’ai trippé. Trippé raide. Raide dur. Même quand y faisait frette.
Et j’ai jamais remis de brassière.
Même avec un gilet blanc.
Ou transparent.
Ou ben ben ben serré.
Ou les trois en même temps.
FREE THE NIPPLES!
Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com