J’avais le goût de gaufres.
De gaufres sucrées avec des mottons de sucre dedans qui roulent dans gueule à 800 calories par portion.
C’fait que je marchais sur la rue Saint-Jean et pis sur la rue Saint-Jean, ben y’a un Bel-Gaufre. Bel-Gaufre, c’est la toute petite shop – de gaufres – avec la terrasse deux places qui prend plaisir à répandre à grandeur de la haute-ville des odeurs de belle journée.
Et là ben, ça sent la fin de soirée humide d’un été québécois après un show de MGMT sur les plaines. Et les gaufres sucrées.
J’avais le goût de gaufres.
Je rentre. Je marche pas un mètre que je suis devant la caisse. Salut serveuse. Menu. Gaufres sucrées – 3,50$.
FUCK j’ai pas assez de cash. Ils prennent pas crédit. T’sais quand ça te fait mal en dedans…
Une idée de presque génie me vient : L’Intermarché, une épicerie ben le fun l’autre bord des portes. Je fonde tous mes espoirs là-dessus. Peut-être qu’ils ont des gaufres de chez Bel-Gaufre, qu’ils prennent crédit et que je vais pouvoir mourir en paix.
J’y marche. Je rentre. Marche vers le comptoir de pâtisseries.
Et là je vois ce monsieur-là, près du frigidaire de fromages. Un monsieur que personne connait et dont tout le monde parle. Un phénomène de centre-ville, un fou du village. Apparemment qu’il vend de la coke et qu’il est instable mentalement. Mais c’est pas vraiment ça qui frappe quand on l’aperçoit. Non c’est pas ça. Pas ça du tout. C’est autre chose.
C’est son look.
Le monsieur porte un complet noir à fines rayures, une belle chemise blanche boutonnée jusqu’à l’avant-dernier bouton, une jolie cravate rouge, des souliers bien mis. Et une grosse calotte des Giants de New York.
Comme quoi le style est un art. Pur et dur. Du grand visuel. Une confection artistique publique, imposée à tous et constamment soumise à ce jury de gens ordinaires qui donnent des 3/10 avec leurs yeux. C’est un travail de chaque jour – qu’on le veuille ou non – qui tisse au fil du temps l’apparat complexe qu’est la première impression.
C’est quelque chose autour duquel on se rassemble et on se divise, tous plus différents les uns des autres. Pensons aux punks, aux hipsters, aux hommes d’affaires et aux androgynes. Tous, sans aucune exception, soignent leur look, leur apparence, leurs vêtements pour refléter cette impression qu’ils ont d’eux-mêmes. Tous pratiquent l’art visuel de l’habillement. Tous.
J’ai regardé le monsieur doucement, l’ai salué d’un hochement de tête et j’ai acheté mes gaufres.
J’ai ouvert le paquet.
La première bouchée dans gueule.
Ça goûte salé.
Je me suis trompée de sorte.
Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com