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J'ai peur d'être ordinaire

J’ai toujours peur que l’on se tanne de moi. De moi, de mes émotions, de mes états d’âme, de mes intérêts, de mes envies, de mes folies, de moi tout court. On se tanne de quelque chose quand c’est ordinaire, ennuyeux. Pis ça, c’est ma phobie : être ordinaire. J’ai peur d’être ordinaire. Voilà, c’est dit.

Quand je vois les autres autour de moi, je me compare automatiquement. Quand je vois qu’une personne est d’une telle façon, je veux l’être aussi. Quand je vois qu’une autre personne est comme elle est, je me dis immédiatement qu’il faut que je le sois aussi. Faut que je le sois, mais en mieux. Faut que je sois la meilleure. Je ne veux pas avoir ce qu’ils ont, je ne suis pas jalouse de leurs possessions. C’est plutôt ce qu’ils font que je désire faire aussi, comment ils le font… Ce qu’ils sont, en quelque sorte.

Pour moi la perfection, c’est la variété, la polyvalence. Je me dis que, si je suis tout, jamais tu ne pourras te tanner de moi. Si je suis tout ce qu’une personne peut être, je ne peux pas être ennuyeuse. Si tu te tannes d’une partie de moi, je t’en montrerai une autre. Je serai tout ce que tu recherches. Rien ne manquera.

Rien ne manquera… Sauf moi. À force de vouloir être comme mieux que tous les autres, j’ai oublié qu’il fallait que je sois moi. J’ai oublié que j’étais quelqu’un, moi aussi. Quelqu’un qui méritait autant d’admiration que tous les autres que j’envie. J’ai oublié que je valais quelque chose, moi aussi. En tentant de ressembler aux autres, je me suis affadie : je suis devenue Personne. Personne, mais tout le monde à la fois. Tout le monde, sauf moi.

Finalement, tu ne t’es pas tanné de moi, mais de personne. De la coquille vide que j’étais rendue. Tu t’es tanné de quelqu’un, mais on ne sait pas de qui. On ne la connait pas, tous les deux.

Tu m’as laissée sur cette phrase : « Mieux vaut être détesté pour ce que l’on est, plutôt qu’être aimé pour ce que l’on n’est pas. » Depuis, ces mots résonnent dans ma tête, sillent dans mes oreilles et coulent sur mes joues. J’étais devenue n’importe quoi. J’avais oublié que le vrai luxe, c’est d’être soi-même.

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