J’ai fait le choix de ne pas avoir de Tivi quand je suis déménagée, en juillet.
Quand j’en parle avec mes amis ou mes collègues de bureau, je les sens me juger en se disant que je suis bizarre. Ils se demandent sûrement comment je fais pour vivre ma vie sans boîte à images.
Le téléviseur fait partie de ma vie, comme de la leur, comme de la vôtre probablement aussi, depuis mon plus jeune âge. Quand j’étais plus jeune, il y en avait un dans chaque pièce de la maison.
Je me souviens comme si c’était hier de la joie que j’ai eu quand mon papa est arrivé dans ma chambre, un soir, avec une TV cathodique en noir et blanc. T’sais, celle sans télécommande sur laquelle il fallait tourner les boutons minutieusement pour voir quelque chose, un peu comme quand on soufflait dans une cassette de Nintendo.
Depuis ce temps-là et jusqu’à tout récemment, j’ouvrais la Tivi sur n’importe quel poste, pis je la regardais même pas. Juste le fait qu’elle soit là, à me raconter tout ce qui se passe dans l’monde, me faisait me sentir un peu moins seule.
J’me suis pas rendue compte tout de suite de ce que j’ai constaté en allant souper chez mes parents ce soir-là, mais c’est important pour la suite.
Mise en situation :
Ma mère prépare le repas, mon père pis moi on est assis devant la TV. Je m’ouvre une bière que j’ai prise avec lui dans le salon. On s’est pas parlé, et la Tivi, comme à son habitude, parlait pour nous.
Viens le temps de souper, pis la télé est encore ouverte. On la trouve jamais assez forte, parce qu’on se parle par-dessus, donc quelqu’un demande de monter un peu le son, pis on se met à l’écouter elle, au lieu de se parler.
Je suis repartie de chez nous pis cette soirée-là me semblait normale. La télé fait partie de ma culture, de ma famille, depuis tellement longtemps.
Fin de la mise en situation.
Viens un samedi soir où c’est au tour de mes parents de venir souper chez moi, tu me suis?
Pendant que je prépare le souper, ma mère est assise à la table pis mon père joue sur Apple TV. Je lui dis qu’il peut suivre le sport sur CBS, mais que c’est en anglais. Pendant ce temps-là, on jase, tous les trois. Personne me demande de monter le son, personne me dis que l’émission est plate, personne se dépêche de manger parce que son émission s’en vient.
Tout le monde reste à la table, jusqu’à la fin de la bouteille de vin, pis en apprend un peu plus sur le quotidien de l’autre. En une soirée, j’ai eu l’impression de rattraper des milliers de conversations perdues avec mes parents.
C’est là que j’me suis rendue compte que pendant toutes ces années, le son de la Tivi m’a privé, en un sens, d’en apprendre un peu plus sur les gens qui m’entourent. Mais en même temps, elle me permettait de suivre mes personnages préférés pis de tout savoir sur ce qui se passe dans l’monde.
Attention, je ne dis pas que la Tivi est mauvaise pis qu’il faut que tu la lances dans le truck de vidanges jeudi matin. Non. Loin de là. Je dis juste que tu t’en rends peut-être pas compte, mais qu’elle prend beaucoup plus de place dans ta vie que ce que tu penses.
Donc pour le mois d’octobre, je te donne un défi, à toi Crépu-e qui lit ceci :
Éteins ton téléviseur.
Quand tu manges, quand t’es seul, quand ton enfant rentre de l’école, le matin quand tu prends ton café ou avant de te coucher, c’est pas important. Bref, fais-le quand tu veux, à petites doses.
Rendu au niveau deux, tu vas avoir envie de prendre ton cell pis de screener les médias sociaux pendant c’temps-là, mais fais-le pas non plus.
Pis quand tu vas atteindre le niveau trois, j’suis sûre que toi aussi, tu vas découvrir quelque chose.
Par Sophie Guérin
Photo de couverture : Source