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J’ai gardé ton t-shirt

J’ai des vieux souvenirs amoureux qui dorment dans des objets. Des photos, des messages, des cadeaux, des vêtements. Je les regarde parfois et ils me rappellent des moments. Même si ces relations-là sont finies, les petits bouts de papier restent quand même empreints de la mémoire d’une histoire. Ils sont dissimulés dans des boîtes à chaussures, dans des journaux intimes, dans des tiroirs. J’ai l’habitude de les garder cachés.

Quand j’étais petite, je me rappelle d’avoir vu souvent à la télé, des amantes en larmes « pitcher » le stock de leur ex par la fenêtre. Des femmes au tempérament latin, Italiennes de balcon, cocues Juliette, « barouettant » des culottes par la bay-window. Hystériques, elles lancent des assiettes, des vêtements, puis arrivent la télé, le piano. On a longtemps exhibé la fille en larmes, qui lutte contre sa peine d’amour en rage, c’est plus facile de rendre la scène comique comme ça, ou pathétique, question que la fille soit juste vue comme la folle de service.

Down by law de Jim Jarmusch

Les souvenirs blessent davantage quand une relation finie mal. C’est sûr.

Mais si tout est lancé sur le trottoir à partir du troisième, on ne conserve que la colère. Et la fureur, elle passe lentement.

Dans l’appart d’un de mes ex, ça me troublait de voir tous les souvenirs non camouflés. Il ne cachait rien. Une face sur le frigo, avec les amis. Des dessins lubriques, des peintures. Des paires de bas trop petites. Des meubles. Ça me rongeait chaque fois que j’entrais là. J’étais jalouse de tous les fantômes qui habitaient encore l’appartement. J’ai voulu en déchirer beaucoup des dessins (à cause de mon tempérament latin t’sais). Je comprenais mal qu’on puisse garder des souvenirs de gens qu’on avait aimés, en les gardant affichés sur les murs.

Je ne comprenais pas encore que des peines d’amour, ça nous habite, pas mal tout le temps. Ça allait être ma première, en fait. J’avais eu la chance (je ne sais pas si on peut dire ça) de décider de la fin de mes relations précédentes. Celle-là, je n’en avais pas vraiment choisi le dénouement. Je ne connaissais pas l’impression d’être habitée par ça.

The future de Miranda July

J’ai gardé un de ses chandails. J’aurais pu le « pitcher » dans la slush sur St-Denis, à la place, j’ai essayé de faire mon deuil.

***

Dessin de couverture par Kaël Mercader, artiste de Québec, qui peint avec le programme Paint. Pour le suivre sur sa page Facebook, c’est ici!

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