Cristina Moscini dirige la troupe BURLESTACULAR, troupe burlesque indépendante de Québec. Depuis sa création en 2011, elles ont présenté plus de 8 productions différentes devant plus de 4500 personnes au Québec. burlestacular.com
Avec ma troupe, j’ai vu toutes sorte de seins : des naturels, des siliconés, des petits pointus, des gros lourds, avec ou sans vergetures, des seins de 19 ans, des seins de 36 ans. Des seins de mère, des seins d’étudiante universitaire, des seins d’ancienne toxicomane, des seins de Jesus freak, des seins de Conservatoire, des seins de danseuse de poteau, des seins de caissière, de coiffeuse, d’entrepreneure, d’artiste peintre, de cinéaste, d’employée de bureau, des seins pas gênés et d’autres encore moins. Un des commentaires que j’ai reçu était «Vous êtes courageuses de faire ça avec le corps que vous avez», et cela venait d’une femme avec les plus belles intentions.
Le burlesque a été ramené il y a près d’une quinzaine d’années par des femmes qui se sont réapproprié la scène. Parfois politique, féministe, souvent édulcoré; il y a aujourd’hui autant de sortes de burlesque qu’il y a de performeurs pour le pratiquer. Et c’est selon moi une bonne chose. J’ai crée BURLESTACULAR, entourée d’une équipe extraordinaire, dans l’urgence de voir et de concevoir des spectacles en hommage aux cabarets d’époque, en hommage à ces femmes-stars que je rêvais d’être, dans une autre vie, dans une autre décennie. Je rêvais de numéros dignes de Broadway ou de productions de l’âge d’or d’Hollywood, comme les films d’Esther Williams en sirène, avec des centaines de figurants, des feux d’artifice, des explosions, des brillants en shit load, un orchestre, des lumières, encore et encore des christ de grosses lumières.
Rapidement, c’est devenu beaucoup plus que ça. Mettre en scène une femme, c’est lui donner la parole. Lui demander de se déshabiller pour servir le numéro, c’est trouver une façon de raconter une histoire, que le dévoilement se fasse plus loin que la silhouette, mais avec la personnalité également. Ainsi, on peut rire avec une Burquette devenue femme qui se déshabillera sous sa burqa et où on ne verra jamais rien, on peut être triste pour une Ginette Reno burlesque et ses combats avec la nourriture, l’amour, la solitude.
Pour beaucoup de filles de la troupe, se produire devant autant de gens était une première. Les filles de BURLESTACULAR ont toutes un parcours différent et une expérience de scène qui varient. Mais pour toutes, cela demande du guts terrible, d’arriver sur scène, de s’exposer. Heureusement, l’accueil est chaleureux pour BURLESTACULAR, notre public, majoritairement féminin encourage à renforts d’applaudissements et de cris cette fille sur scène qui pourrait être votre voisine.
Donc, oui, cela demande un courage de monter sur scène, de montrer son corps tel qu’il est, même si dippé dans le glitter. Mais la question du courage n’est pas de le faire «avec le corps que nous avons». Tous les corps devraient être montrés. Force est d’admettre qu’une majorité de femmes de tout âge et de toutes silhouettes veulent avant tout «cacher ceci, cela», qu’elles aient ou non l’assurance d’une lionne le reste du temps. Mais j’estime humblement qu’avec ma gang de «monstres de normalité», nous faisons avancer certaines choses. Ce public féminin qui m’écrit régulièrement pour nous dire «merci les filles pour votre spectacle, vous m’avez donné envie d’être sexy pour moi, envie de séduire, de prendre confiance en mon corps». Et c’est ce que j’ai envie de dire : cessez de vous cacher, découvrez votre beauté, on s’en crisse du reste. Ce corps que nous avons doit être célébré, il témoigne de notre vécu.
Féministe un show de tounues ? Bien oui. Il nous aide à nous affranchir davantage en étant sur scène et traîne un potentiel de libérer des barrières que certaines femmes s’imposent pour les gens du public. Depuis les trois dernières années, j’ai grandi, et je vais continuer de montrer mes boules jusqu’à 158 ans, tenez-vous le pour dit.
Crédits photo: JimG Exposure