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Girl crush : Iris Apfel

Crédit photo : Maria Herreros (Remodel Blog)

J’achète. Je magasine en ligne. Je magasine au centre-ville. Je magasine en voyage. J’achète des vêtements qui ne valent rien une fois achetés. Je les échange. Je les enfile selon mon humeur. Je les agence selon mon humeur. J’essaie d’avoir l’air présentable. Je donne ce que je ne mets plus. Et ça continue, ça recommence. Et tout ça défile sans même que je ne me pose de questions. Comment je m’habille? Qu’est-ce que je reflète comme image? Qu’est-ce qui influence mon style vestimentaire? En fait, pourquoi je m’habille?

S’habiller, c’est un automatisme, un autre geste du quotidien qui ne vaut plus rien. Se vêtir n’est plus qu’une question de pragmatisme. On veut se couvrir, oui, mais on veut bien paraître et, par le fait même, se fondre dans le monde qui nous entoure. Qu’on le veuille ou non, le poids des apparences a pris le contrôle de notre garde-robe. Plus que ça encore : l’industrie de consommation s’est emparée de notre portefeuille pour dicter nos achats. Sans même le savoir, les vêtements que nous portons sont le fruit des campagnes publicitaires qui tapissent nos vies.

Et pourtant, je persiste à croire que dans le fait de se vêtir devrait résider une forme d’art des plus touchantes. C’est le rituel quotidien de l’habillement, qui marie temporairement notre corps à ces vêtements épousant nos formes, ces morceaux qui, le temps d’une journée, composent cette projection de nous-même, ce choix intimement ostentatoire que d’afficher notre corps, notre personne, aux yeux du monde. Chaque matin, voilà que je m’improvise peintre et que le canevas de ma peau m’offre une toile blanche que j’ai le loisir de teindre de tissus colorés.

Dans ce propos réside l’essence même du documentaire d’Albert Mailles sur Iris Apfel, Iris, qui détaille le quotidien coloré de cette New Yorkaise excentrique de 94 ans. Grâce à son oeil pour les accoutrements uniques et vibrants, elle a réussi à s’imposer comme une icône de la mode. Surtout, Iris réussit à créer des tenues qui racontent une histoire, une histoire qui lui colle à la peau.

Ce qui ressort des entretiens avec Iris, c’est le plaisir fou qu’elle a à s’habiller comme bon lui semble. À bas les modes, aussi éphémères soient-elles, qui passent en laissant des rejetons dans le fond de nos penderies. Il faut laisser libre cours à sa créativité! La nonchalance d’Iris et sa capacité à ne rien prendre au sérieux lui permettent de voir la mode comme un jeu qui ne possède pas de règles, ou du moins, des règles qui ne valent pas la peine d’être respectées.

Déjà très tôt dans sa vie, Iris Apfel s’est démarquée par son style, ce qui admet une certaine forme d’anticonformisme vis-à-vis des standards de beauté admis. C’est une femme qui a bâti une compagnie de design intérieur à une époque où le marché du travail était réservé aux hommes. C’est une femme qui a refusé d’avoir des enfants à une époque où le rôle de mère était le seul distribué aux épouses. Ses choix, son mode de vie et son habillement transpirent la ténacité et l’adversité face à l’ingrate Ignorance.

Bref, Iris ne s’habille pas pour s’embellir ou se rajeunir; elle-même admet que l’apparence n’est qu’une illusion trompeuse, puisqu’en fin de compte, seule la substance reste. C’est une réelle leçon d’appréciation et d’acceptation de soi, mais c’en est surtout une de combativité et d’affirmation de soi. Ainsi, s’habiller devrait transcender le paraître afin de permettre l’expression personnelle. Le rapport que nous entretenons avec le vêtement limite ses innombrables fonctions et le renie de son statut d’outil pour l’art; il faut désormais réapprendre à s’habiller. Être réellement soi-même au travers du médium de ses vêtements, en refusant de se conformer à ce qui est attendu, aux stéréotypes, aux préjugés et aux normes, c’est l’ultime liberté, c’est devenu l’art de s’habiller.

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