Féminisme.
Voilà, j’ai osé le dire. Le mot tabou. Je l’ai dit, et pourtant tout va bien. Je ne me sens pas différente. Je ne suis pas en train de brûler ma brassière, je ne suis pas en train de me faire pousser le poil de dessous de bras et de me promener dans la rue les seins nus.
Je suis féministe.
Je ne m’en cache pas. Je n’ai pas honte. Je ne suis pas « une frustrée », je ne le vois pas de façon péjorative.
J’aime les hommes. Je les aime. Je les estime, que je travaille pour eux, avec eux, ou encore, qu’ils travaillent pour moi. Je peux les admirer, je peux admettre les choses qu’ils font de bien – il y en a beaucoup. Je les respecte – je respecte ceux qui me respectent. Nuance. J’en connais qui sont féministes. Beaucoup d’entre eux le sont, même ceux qui ne le savent pas.
En fait, si nous étions honnêtes et réalistes, nous réaliserions que nous sommes en majeure partie des féministes dans notre société… Nous sommes simplement peu à le scander avec fierté. Ça fait peur, le mot « féminisme ». Ça dérange. Pourquoi? Je ne sais toujours pas. J’ai cherché, pourtant. Je me suis rendue à la source : j’ai regardé la définition du mot dans Le Petit Robert. Je me suis dit que Robert me le dirait si c’était moi qui ne comprenais rien, s’il y avait véritablement quelque chose de terrifiant à la racine de ce mot proscrit.
Féminisme : « Attitude des personnes qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes. » – Le Petit Robert de la langue française.
Voilà ce que m’a dit Robert. Voilà aussi ce que je pensais que c’était. C’est simple, quand on y pense, non?
Alors, pourquoi en est-on encore, aujourd’hui en 2017, à craindre d’utiliser ce terme limite anodin? Ce terme qui veut dire : homme = femme. Pour reprendre les mots du grand poète Éric Lapointe, dans notre société, c’est un terme « loadé comme un gun ». C’est le Voldemort de la lutte pour le droit des femmes. Le mot qu’on ne doit pas prononcer. Pourtant, à l’encontre de Voldemort, le mot n’est pas malsain, il n’est pas négatif, il ne mérite pas d’être stigmatisé, ignoré, boudé, détruit. Il mérite une place dans le langage commun au même titre que tous les autres mots.
C’est un mot qui est beau, aussi beau que la cause qu’il représente, aussi beau que le but ultime qu’il vise. Je répète ce but, de peur qu’on l’oublie : homme = femme. Pas femme domine homme, pas homme aux vidanges, mais pas femme ignorée non plus. Homme = femme. C’est ce qu’on veut, c’est ce en quoi la plupart d’entre nous croyons. Alors, pourquoi craindre l’appellation si vous croyez en la mission?
C’est un mot avec une histoire, oui, mais l’histoire est là pour nous parler du chemin parcouru. Le mot porte le poids du passé, la lutte des suffragettes, les luttes pour les droits égaux, aujourd’hui la lutte contre la culture du viol, la lutte pour la participation saine des femmes dans les milieux sportifs, et j’en passe. Il ne faut pas craindre le mot ni son histoire. Il faut en être fier et inspiré : fier de tout le chemin parcouru, inspiré par ce qui reste à faire.
En cette Journée internationale des femmes, j’ai une grande annonce à te faire : si tu penses que je vaux autant que mon compatriote masculin, tu es féministe. Et tu n’as pas à en avoir honte. Tu peux en être fier. Tu dois en être fier.
Et finalement, pour les gens qui disent qu’on n’en a plus besoin, de ce mot-là, de cette lutte-là, qu’elle est terminée… À ces gens, je leur réponds que la journée où je pourrai utiliser le terme « féminisme » comme j’utilise les termes « banane » ou « café » dans une conversation, la journée où il ne sera plus loadé… seulement à ce moment je cesserai de lutter.
Par Marie-Christine Chartier
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