Il existe deux sortes de deuils de relations à faire, selon moi. Le premier, c’est le deuil des vraies relations, celles avec des plans pour le futur, des photos sur les médias sociaux et des biens communs – les relations dont tout le monde connaissait l’existence. Puis, il y a le deuil des relations qui auraient pu être. Celles qui ne se sont jamais concrétisées, celles qui sont mortes avant de naître.
On fait souvent l’erreur de penser que parce qu’une relation ne s’est jamais solidifiée, parce qu’on n’a jamais eu l’étiquette « chum-blonde », on n’a pas le droit de ressentir de peine. Pourtant, souvent, lorsqu’une vraie relation se termine, c’est un peu comme une dent qui branlait depuis longtemps : on est tellement prêt à ce que ce soit la fin, à ce que la dent tombe, que, lorsque ça arrive, ça ne fait pas vraiment mal. Faire le deuil d’une relation qui aurait pu être, c’est souvent plus comme perdre une dent en prenant une débarque en pleine face dans les escaliers : un beau dégât, inattendu et douloureux.
Ce qui rend ce deuil-là si difficile, c’est qu’on ne fait pas vraiment le deuil de la personne. On fait plutôt le deuil de l’image qu’on s’était fait dans notre tête de ce que ça aurait pu être. On a eu le temps de le trouver beau et fin, de s’imaginer rencontrer sa famille, de le serrer par la taille dans la file au cinéma, de partir en roadtrip vers l’inconnu un dimanche matin… Sauf que, toutes ces choses-là, on les a seulement vécues dans notre tête. On n’a pas le temps de vivre le négatif, on n’a pas le temps d’accumuler les souvenirs un peu moins roses qui nous permettent de nous rappeler, à la fin de vraies relations, qu’il y a bel et bien des raisons qui font que c’est terminé. On ne peut pas se rappeler que notre belle-mère nous pompait l’air dans les soupers de famille, qu’il n’était pas vraiment spontané et qu’il se fâchait souvent en voiture si on se perdait en chemin. Ces moments-là, ceux moins plaisants en relation, on les utilise pour garder nos repères quand ça se termine, pour se rappeler pourquoi c’est une bonne chose, finalement, qu’on ne soit plus ensemble. Faire le deuil de quelqu’un qui aurait pu être un chum, mais qui ne l’a pas été, c’est faire le deuil d’une personne qu’on a imaginé, dessiné dans nos vies, à nos côtés, sans l’avoir vraiment vécu. C’est faire le deuil d’un rêve.
C’est difficile aussi, parce qu’on sent que c’est une peine qui n’est pas justifiée ou soutenue. Nos amis ne peuvent pas comprendre. Laisser une amie qui casse avec son chum de sept ans s’épancher en long et en large sur sa peine, c’est bien normal, mais une amie qui voyait un gars pendant trois semaines et qui vit une peine d’amour, on a envie d’être là pour elle… pis, en même temps, on ne sait pas comment. C’est difficile, parce qu’on n’a eu aucune preuve de cette relation-là : quelques screenshots, une ou deux dates racontées ici et là. En tant qu’amie, on n’a aucun souvenir de ce « presque chum » à quoi se raccrocher pour aider notre amie à s’en sortir. On pense que c’était si court qu’elle devrait s’en remettre. Il faudrait pourtant se souvenir que l’amour se fout pas mal de la longueur de votre relation. Il n’y a pas de quota minimum d’heures à remplir avant d’avoir le droit de briser le cœur de quelqu’un. Dès qu’une personne s’est faite une place dans un repli de notre cœur, dès qu’elle s’est incrustée dans un coin de notre tête assez longtemps pour nous faire penser : « J’me demande comment ça serait si… », on a le droit de ressentir la peine de ne jamais voir ce si se concrétiser.
Au final, je pense qu’il faut réussir à se déculpabiliser de notre peine, réaliser que c’est peut-être le deuil d’un mirage qu’on fait, mais que deuil il y a à faire quand même. Il faut suivre les étapes : le déni, la colère, le marchandage, la peine et, finalement, l’acceptation. On doit passer à travers ce processus pour accepter deux choses : la première, que cette relation qui aurait pu naître ne naîtra surement pas. Pas maintenant, pas plus tard. C’est la chose la plus difficile à accepter, je pense. On aime garder l’espoir qu’un jour, mais c’est cet espoir qu’il faut enterrer afin de mieux avancer. La deuxième chose à accepter, c’est notre droit d’avoir de la peine. C’est tout.
Je vais te donner un coup de pouce. Je vais te le donner, moi, ce droit-là. Que ça ait été un truc d’une semaine, une seule date ou même juste un french dans un bar, si tu as frémi en dedans pis que ça n’a pas mené à plus, tu as le droit d’être déçu. Tu as le droit d’être triste. C’est en te donnant ce droit-là que tu vas pouvoir passer par-dessus.
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