On est à peine âgé de 10 ans et on ne peut plus attendre d’entrer au secondaire. En quatrième secondaire, on voudrait déjà que ce soit notre bal que l’on soit en train de se préparer pour enfin quitter le secondaire. À 16 ans, on emprunte les cartes d’identité de notre grande sœur pour sortir dans les bars. Au cégep, on se meurt de commencer la vie universitaire, pour finalement se dire tout au long de notre baccalauréat que le marché du travail va être tellement plus génial. On a hâte de pouvoir travailler, de faire des activités sans se sentir coupable de ne pas avoir le nez rivé dans nos livres en permanence.
Et puis, on se réveille tous les matins pour se rendre au boulot et poinçonner notre 8 à 5 tout en rêvant de cette époque où l’on se sentait « libre ». Donc, si je ne me trompe pas, on finit par ne jamais profiter du temps qui défile sous nos yeux. On déteste pendant un temps chacune des étapes de notre vie pour ensuite se les remémorer avec nostalgie. On est donc conçu de cette façon, j’imagine, à constamment envier ce que l’on n’a pas.
Personnellement, la période que je regrette le plus est celle où j’étais à l’université. Je n’oublie pas tout le stress qui s’y rattachait : les échéanciers impossibles, la charge de travail parfois inhumaine, les nuits blanches, l’anxiété de performance, le manque de fonds, la conciliation études et travail et la conciliation études et vie sociale. Ah non, attendez, plutôt l’absence sporadique de vie sociale. Je me rappelle aussi que je devenais maligne lorsque mon entourage me radotait : « Profite s’en bien, ce sont les plus belles années de ta vie! ». Je les trouvais déplaisants de me faire ce genre de commentaire alors qu’il ne me restait que quelques cheveux sur la tête à cause des ravages de l’anxiété. La carence de sommeil et la panique avant la remise d’un travail ou avant un examen ne me manquent pas, je le concède. Par contre, je m’ennuie de cette époque où ma vie ne semblait pas toute tracée et où les possibilités étaient encore infinies. Mon cheminement scolaire n’a pas été linéaire, mais plutôt atypique. Et malheureusement, une fois terminé, je n’ai pas encore trouvé de métier qui me permettrait de m’épanouir, mais il s’agit sans doute d’une part de mauvais choix d’orientation et du marché de l’emploi qui n’est pas du tout évident dans mon domaine. Ma situation de précarité, je ne l’ai pas choisie, elle vient avec.
Avec du recul, je me rends compte que j’aurais pu faire les choses autrement. Tout d’abord en me fixant des objectifs beaucoup plus réalisables. Je n’étais pas obligée de faire mes études dans les quatre ans prescrits par le programme. Pourquoi avoir été pressée de terminer et ne pas avoir apprécié davantage ces moments uniques? Où se situait l’urgence? Ne pas avoir eu honte d’avoir plusieurs fois changé de branche aurait également pu diminuer la pression que je m’affligeais.
Alors, si toi aussi tu es encore aux études, prends le temps de choisir. Essaie autre chose si tu n’aimes pas. Une fois que ta vie « d’adulte » aura commencé, il te sera plus difficile de retrouver la liberté de choisir où tu vas passer le plus clair de ton temps : au travail. N’aie pas honte de faire différemment. Sois fier de t’écouter, d’essayer de recommencer, de te tromper et d’enfin avoir la chance de trouver. Prends le temps d’étudier tard le soir, de toute façon, crois-moi, on ne meurt pas du manque de sommeil. Fais des siestes, c’est aujourd’hui ou sinon à la retraite. Rencontre tes amis pour l’étude, amuse-toi avec eux à peu de frais. N’aie pas peur de donner de l’énergie, ça en vaut vraiment la peine par la suite. Dis-toi que tu investis dans ton avenir, tu te donnes la chance de pouvoir avoir envie de te rendre au boulot et de ne pas voir le temps passer. Tout le contraire de tes emplois étudiants! Ne choisis pas ton programme trop vite, en regardant seulement le salaire ou le taux de placement. Oui, ça compte (j’aurais dû le faire), mais ce n’est pas tout ce qui compte. Donne-toi une chance de pouvoir apprécier.