Avez-vous remarqué à quel point il est mal vu de dormir en public? Non seulement c’est mal vu, mais c’est presque impossible à faire. L’espace public a été conçu dans un but précis et il est pratiquement infaisable pour chacun de se l’approprier comme il le veut.
Où sont les chaises longues pour pouvoir s’étendre et se reposer? Il n’y a que les tables à pique-nique, droites et carrées, qui sont tout sauf confortables et reposantes. Où sont les hamacs dans les parcs? Inexistants. Il n’y a que le gazon peuplé de cigarettes et de pisse de chien. Et les longs bancs. Mais si l’on ose se coucher dessus, plutôt que de s’y asseoir comme la norme le veut, on vous prendra pour un itinérant ou, pire, pour quelqu’un de malade.
J’ai eu un jour la brillante idée de me coucher sur la terrasse des employés de l’immeuble où je travaillais. Comme elle était vide à cette heure du matin, je me suis allongée confortablement sur le bord du potager, assez large pour ma maigre silhouette. Croyez-le ou non, deux personnes sont sorties pour voir si j’allais bien, si je n’étais pas malade. L’agent de sécurité a même été appelé, car des gens me voyaient couchée sans bouger. C’est dire à quel point on est peu habitué à voir l’être humain dormir ailleurs que dans son lit, la nuit.
J’ai fait la même chose dans les escaliers de la place des Festivals. Combien de regards ai-je surpris? Un couple de femmes s’est arrêté, s’assurant que je n’étais pas tombée ou malade.
Toutes ces personnes sont bien intentionnées. Elles se préoccupent de leur prochain et sont sensibles à leur entourage. Mais elles sont aussi imprégnées socialement : dormir équivaut à une faiblesse. Les gens en forme, forts et bien nantis ne dorment pas; les sans-abri, les pauvres, les malades, eux, dorment.
Pourtant, plusieurs études montrent qu’une sieste en après-midi aide à récupérer et à passer au travers de sa journée. Qui n’a pas entendu un jour quelqu’un lui dire que les siestes lui ont sauvé la vie durant la période où il devait travailler à temps plein et suivre des cours de soir? Qui n’a pas entendu que, dans tel ou tel pays d’Europe, il y a des pauses pour faire la sieste, car il fait si chaud que l’être humain est improductif et doit se reposer?
Je suis étudiante et entre deux cours il m’est pratiquement impossible de dormir. Je dois défier les normes et encaisser les regards croches.
Si le cœur vous en dit, je vous propose de défier les normes afin que, peut-être, un jour, dormir soit mieux accepté socialement. Je vous invite donc à :
- Dormir sur un banc de parc
- Dormir sur une table
- Dormir dans de larges escaliers
- Dormir n’importe où!
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