Kamouraska, mot algonquin qui signifie « il y a du jonc au bord de l’eau », c’est ben des affaires. C’est une vodka made in Québec, une rivière, une ancienne seigneurie du Bas-Canada, une municipalité de la belle région du Bas-Saint-Laurent, et surtout, un roman d’Anne Hébert publié en 1970. Traduit en sept langues, il a été adapté au cinéma par Claude Jutra en 1973. Film mythique, il met en vedette la légendaire Geneviève Bujold et l’américain Richard Jordan, qui, à l’époque, n’avait rien à envier aux lumbersexuals de l’heure.
La réalité
Roman d’hiver par excellence, ce Madame Bovary québécois est basé sur des faits historiques survenus au Québec au XIXe siècle. Le 3 février 1839, Achille Taché, 26 ans et seigneur de Kamouraska, est retrouvé mort à l’anse Saint-Denis, le crâne percé de deux balles de pistolet. Who did it??? Non ce n’est pas le « Professeur Violet dans la bibliothèque avec le tuyau de plomb ». C’est le Dr Georges Holmes, l’amant américain d’Éléonore d’Estimauville, l’épouse de Taché, qui sera soupçonnée de complicité, mais qui ne sera jamais accusée. Quant au ténébreux Dr Holmes, il aura le temps de s’enfuir aux États-Unis avant qu’on lui mette la corde au cou et disparaîtra dans la brume, comme on dit.
La fiction
J’étais ado quand j’ai lu Kamouraska pour la première fois. C’était en février et j’étais à Alma, dans le bois, au chalet d’un ami. Il faisait frette en *&?%$!, il y avait du blanc partout et beaucoup de silence. Un setting parfait pour se plonger dans le roman le plus puissant d’Anne Hébert qui raconte l’histoire d’un crime violent et les événements qui y ont mené, mais qui est aussi un commentaire sur la condition féminine au temps de la révolte des Patriotes. Of course, c’est également l’histoire d’une passion violente (after all, dans Kamouraska, il y a le mot amour…). L’héroïne s’appelle Élizabeth.
Mariée très jeune à Antoine Tassy aka seigneur de Kamouraska et mari-violent-infidèle-macho-et-pervers, elle est très malheureuse et se révoltera contre lui en prenant pour amant le ô-soooo-sexy docteur Georges Nelson. Three is a crowd. Tout le monde sait ça. Faque… BANG!
Si l’histoire s’inspire largement des faits de 1839, elle comporte aussi des éléments de fiction, comme le personnage d’Aurélie, la servante un peu sorcière d’Élizabeth qui aidera les love birds à accomplir leurs noirs desseins. Tout au long du roman, qui se déroule dans un de nos plus beaux coins de pays, Anne Hébert « la révoltée », reconnue pour la violence et la puissance poétique de son écriture, réussit à créer un climat de suspense permanent, ce qui ajoute une touche de ROUGE à un récit noir sur arrière-plan blanc.
Kamouraska : un grand classique québécois à lire et à relire, de préférence l’hiver, quand il fait frette et que dehors, la neige est immaculée et le silence, boréal.
Caroline