Il y a quelques semaines, on apprenait avec « étonnement » que la célébrissime mannequin plus-size Ashley Graham avait défilé pour le designer américain Micheal Kors durant la semaine de la mode à New York. On a « fièrement » sorti des chiffres sur l’avancement de la mode avec plus de 30% de top-modèles « de couleur ». Jamais auparavant n’y avait-il eu de diversité dans ce milieu hautement homogène. Et on n’a cessé de louanger cet avancement dit révolutionnaire.
NEW YORK, NY – FEBRUARY 15: Ashley Graham walks the runway at the Michael Kors Collection Fall 2017 show at Spring Studios on at Spring Studios on February 15, 2017 in New York City. (Photo by Peter White/WireImage)
Moi, ça m’a plutôt fait un peu plus frustrer.
Un peu plus frustrée de voir qu’on séparait les femmes selon leur tour de taille. Selon la couleur de la peau. Qu’on avait associé l’idée de beauté à un idéal de grandeur, de poids, et de blancheur de peau. Parce que t’es plus size, comparée à quoi, à qui? À un idéal à peine atteignable par un infime pourcentage de la population.
Pourtant, c’est nous, le reste du monde, qui consommons la mode. Mais on nous boude. On veut des mannequins occidentales, et ce, même si on est à Shanghai ou à Dubaï.
Le plus triste, c’est qu’on l’a intégré comme une banalité : « Hey, t’es dont ben belle depuis que t’as perdu du poids! » Quant à moi, il faudrait qu’on perde beaucoup de livres pour que les culottes qu’on achète ressemblent à celles sur la fille qui nous les a vendues… Sauf qu’on prend ça pour du cash, et on les trouve belles les anges du magasin de bobettes et on se compare, c’est ben ça le pire!
Et donc, quand des gens comme Ashley Graham ou Adwoa Aboah, qui ressemblent à nous tous, au spectre de la diversité qui compose le monde d’aujourd’hui, défilent à Paris, Londres, Milan et qu’on en fait un big deal, ça me semble absurde.
Parce que nous avons accepté de faire de la minceur – et voire, de la maigreur – un standard de beauté de façon tout à fait aléatoire. La société aurait tout aussi pu idolâtrer le surpoids… Même chose pour la couleur de notre peau.
Cela fait cependant désormais partie des croyances collectives, des constructions sociales, qui sont si difficiles à moduler. Peut-être pour nous, c’est trop tard. Mais, nous pouvons toujours espérer et, surtout, travailler pour qu’un jour, les enfants ne soient plus surpris de se reconnaître dans leurs modèles…
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Je vous dis tout ça, mais j’oublie l’essentiel. Je crois qu’une expression en anglais l’exprime bien : « From the inside out ».
Si notre regard envers nous-même était plus doux, aimant. Si l’on apprenait à s’aimer, – ben oui, encore et toujours, s’aimer – on sortirait peut-être de ce cercle vicieux d’illusions et d’auto-sabotage continuel.
On accepterait de voir ces corps, et ces visages, nos corps, et nos visages, sur les panneaux publicitaires dans la rue.
Par Anne-Sophie Lê
Crédit photo de couverture: Peter White/WireImage