C’est drôle, je me souviens encore parfaitement du moment où je me suis sentie adulte pour la première fois.
C’était pas d’habiter en appart loin de chez mes parents, c’était pas de me cuisiner des lunchs pour la semaine en les rangeant soigneusement dans des Tupperware, c’était pas non plus ma fête de dix-huit ans (surtout pas). J’ai compris que j’étais devenue une adulte le jour où j’ai finalement catché que mes parents, papa et maman, étaient avant tout, avant les rôles familiaux respectifs, avant de gérer les couches pis les ados en crise, avant de préparer des vacances au Lac Georges et d’utiliser leurs congés maladie pour les maladies de leurs p’tits, ils étaient (et sont) Michel et Chantal.
Mes parents ont eu une vie avant d’avoir une vie familiale. Ils ont eu des grandes peines, des angoisses, des amours, des surprises. Mes parents étaient exactement comme moi, des jeunes adultes, avec toute la complexité que ça comprend. Ouais. C’est à ce moment-là que je suis devenue une adulte, une vraie, même si je payais mon hydro depuis longtemps déjà.
Mais le moment où je suis devenue une femme, ça, c’est plus complexe. J’imagine que ça aurait dû/pu être le jour de mes premières règles, ou le jour où j’ai fait l’amour pour la première fois, dans un après-midi de canicule. Mais non, c’est pas arrivé à ces moments‑là.
Je suis devenue une femme le jour où, pour une raison X, j’ai participé à un shooting photo. C’est fucké hein? Attendez. En fait, j’ai pris conscience d’être devenue une femme en regardant ces photos plutôt qu’en les prenant.
C’était là, devant moi, mon visage, mes rides discrètes, mon sourire, mes yeux, surtout mes yeux. Ces yeux qui connaissent maintenant la sensualité, l’amour, la liberté, l’ambition, l’affranchissement. Je suis devenue une femme en prenant conscience de mon image, en comprenant ce que les autres voyaient en me regardant.
J’ai vu sur ces photos, pas la petite fille tannante et confuse que je pensais être, pas la jeune femme en quête d’identité que j’ai longtemps été, pas la jeune femme en quête de sensualité que j’ai mis trop de temps à affranchir, j’ai vu la femme. Moi, une femme.
Le choc était brutal.
Moi qui pensait encore avoir l’air d’une gamine chez qui on cogne pour l’inviter jouer dehors, voilà que je comprenais enfin l’aura féminine qui m’entourait depuis plus longtemps que je ne l’aurais cru.
Je suis une femme.
Pas une fille, une femme. La différence est mince, et énorme à la fois. Une femme, entière, autant dans mon dehors que dans mon dedans, autant dans mes convictions que dans mes sentiments.
Une femme.
Ouais.
C’est complètement effrayant et très cool à la fois. C’est des grandes responsabilités.
Un grand homme de théâtre affirmait que la révolution passerait par la femme, et depuis que j’en suis une, j’ai la certaine conviction qu’il avait raison. Qu’il n’a pas fait de prémonition, mais plutôt qu’il a simplement observé, dans un temps où c’était rare qu’on regarde les femmes dans toute leur grandeur et complexité.
Sur ces photos de moi là, j’ai vu la force, le mystère, l’entêtement, le plaisir, l’enthousiasme. Et c’est pas une question d’apparence, je ne parle pas de mon physique ici, mais plutôt, comment dire, de mon aura? Ou en tout cas ce qui transpire de l’image, ce qui rayonne, ce qui est plus grand que des cheveux bien peignés ou un beau kit.
Sur ces photos de moi, j’ai vu une aura de femme. Une aura de révolution. (Et je suis la moins ésotérique du monde, j’vous l’jure!)
Et c’est beau. C’est grand.
C’est un immense pouvoir que d’être une femme, attendez de voir que chaque femme le réalise!