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Crépus au théâtre : Os la montagne blanche

Le Périscope, en pleine itinérance, transporte ses pénates à la Maison pour la danse, du 24 avril  au 5 mai. Deux semaines durant lesquelles toute la magie de Québec se concentrera dans une petite salle où Steve Gagnon performera ses mots envoûtants et nous ensorcellera de sa verve poétique. Produite par le théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline, qui fait sa marque en démocratisant la poésie, en la performant et en lui donnant des cordes vocales et un souffle puissant, Os la montagne blanche, dans une mise en scène de Denis Bernard, est l’occasion de vivre une véritable transe poétique.

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Troublante autant que magnifique, nous assistons à une sorte de crise existentielle en direct, laquelle s’exprime par le monologue d’un artiste à l’âme éventrée. Devant un public libre de se déplacer et d’observer la scène jouée de tous les angles possibles – jusqu’à même pouvoir se rapprocher assez pour sentir la chaleur et la ferveur des émotions –, Steve Gagnon hypnotise. Seul, perché sur d’étroits promontoires, l’homme se démène avec son texte exigeant et, à travers la sueur qui perle sur son visage, l’anime de toute la force de ses angoisses, de son désarroi, de sa force spirituelle. Nous oublions le personnage, nous oublions d’être critiques. Nous sommes pris par le moment, transportés, et nous nous recueillons autour d’une parole si forte qu’elle ne peut qu’avoir une âme.

En tant que spectateurs, on se sent privilégiés de pouvoir entretenir ce genre de relation de proximité avec l’artiste, un contact intime et franc auquel on n’a pas accès dans les pièces théâtrales typiques. Comme s’il nous faisait une longue et grande confession! Fascination totale de se tenir si près d’une telle intensité, d’une performance de feu qui nous bombarde d’étincelles, ou de postillons dont on se sent immunisés.

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Le spectacle s’articule autour du récit d’une perte, celle d’un jeune homme perdant tragiquement sa mère. Les repères lumineux s’évanouissent, les réponses pleuvent et il n’y a que le silence du deuil pour se couvrir. Comment s’engager dans la vie future quand le passé nous retient? Comment aimer malgré une fêlure, un abysse? Comment être un homme debout et fragile, aimant et aimé, heureux et profond, quand les ancrages partent au large? Plongée archéologique en soi et quête d’une spiritualité plausible dans notre société moderne, voilà Os la montagne blanche, dont on ne fait pas l’ascension, mais qu’on explore de l’intérieur. Spectacle de la vulnérabilité masculine, ce sont les femmes, une mère perdue mais présente, une amoureuse patiente et une guide pour explorer la montagne, qui forment le cadre, les repères, les assises de cette trajectoire.

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Et plus que tout, Os la montagne blanche est une explosion de mots bruts et tranchants qui font vibrer le sol, et pénètrent la chair jusqu’à nous faire frissonner. Explosion tantôt intime, tendre, amoureuse, tantôt sublime dans sa violence. Le tout arrimé à une musique entraînante, voguant dans l’espace pour soutenir nos corps désorientés.

Une pièce qui amène à vivre un éventail d’émotions; on rit, on pleure, on s’extasie, on ne se gère plus vraiment. On en sort en oubliant d’être critique, entraîné par une bourrasque poétique, n’ayant désormais comme aspiration que celle de propager la tempête à la langue magique.

Par David Morissette-Beaulieu et Charlotte Gagnon

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