Dater. C’est quelque chose, hein?
On sait tous comment ça fonctionne : on se rencontre (Tinder, bar, party, peu importe), on ne s’échange plus nos numéros de téléphone, mais, à la place, on se donne nos noms complets et on accompagne ça d’un : « Tu m’ajouteras sur Facebook. » Voilà, le tour est joué… mais est-ce vraiment si simple? La demande d’amitié, OK. On clique sur un bouton et c’est réglé, mais après? Pour ma part, j’ai de plus en plus la ferme conviction que, parmi tous les médias sociaux, c’est Facebook qui est le plus nocif pour les relations naissantes.
Je t’entends douter. Ne t’inquiètes pas, je vais m’expliquer.
D’un, Facebook, c’est une partie de notre vie privée. C’est certain qu’on n’y met plus autant d’informations que quand tout ça a commencé, mais, tout de même, une fois qu’on ajoute quelqu’un, on lui donne accès à la musique qu’on aime, aux évènements auxquels on a participé et à une partie de notre passé, de nos photos, de nos amis, etc. Une fois que vous êtes amis, la personne peut faire un stalkage en règle de ton parcours jusqu’à maintenant. On le fait tous, c’est comme ça, c’est tout. Est-ce que c’est sain? J’en suis venue à me poser la question.
Sache que je ne me plains pas de Facebook, parce que j’ai quelque chose à cacher ; je trouve juste que c’est brûler des étapes. J’ai réalisé récemment que je n’avais pas envie de savoir tout sur le passé de la personne avant même de l’avoir rencontrée. On a accès à tellement d’information que quand vient le moment de la date, on se retrouve assis devant la personne, elle nous parle de sa sœur qui est fermière en Estrie et on n’arrive pas à se concentrer sur ce qu’elle dit, parce qu’au fond on essaie juste de ne pas laisser glisser qu’on le savait déjà que sa sœur s’appelle Émilie, qu’elle fait de la poterie, que son chum s’appelle Mathieu et que leur Corgi est vraiment trop adorable. Ça enlève la magie, tout ça. Ça enlève la possibilité de laisser quelqu’un nous surprendre, piquer notre curiosité – parce que, même si on ne devrait pas, on le sait déjà.
Puis, avec l’aide de Facebook, il y a toujours l’espèce de menace des « autres ». Dans le temps, quand ma mère a rencontré mon père, elle ne savait pas de quoi avait l’air son ex, elle n’avait pas pu analyser toutes ses photos, évaluer si elle était plus belle ou non, avoir la confirmation de ses amies via screenshot que l’ex était plus grosse ou moins cute ou moins intéressante. Les ex de nos nouvelles fréquentations deviennent pratiquement des ennemies, simplement parce qu’on leur en donne le pouvoir. Avant, une ex, c’était du passé et, clairement, il y a des raisons pourquoi une ex est une ex et non une présente, mais dans notre ère contemporaine, en se rendant jusqu’au profil de la sœur de la meilleure amie de l’ex, on en vient à obséder sur des étrangers au lieu de se concentrer sur le moment présent.
Puis, une autre chose que je trouve vraiment nocive à propos de Facebook, c’est la proximité virtuelle qu’on a l’un avec l’autre. 24h/24, on peut voir si elle est en ligne, si elle répond à un commentaire, si elle like quelque chose. Le truc, encore une fois, c’est que je n’ai pas envie de savoir si le gars est en ligne, s’il a lu mon message, s’il n’a pas répondu, mais qu’il aurait pu. Si je lui envoie un message texte et qu’il me répond trois heures plus tard, je ne me poserai pas de question, mais, sur Facebook, quand je vois qu’il l’a lu et qu’il n’a pas répondu, qu’il est en ligne et qu’il ne l’ouvre pas… alors là, c’est une autre histoire. Même si, logiquement, je sais qu’il n’avait probablement pas le temps, qu’il va me répondre quand il peut, name it… Si je le vois en ligne, si je sais qu’il est là, à portée de doigt, ça va me déranger. On dira ce qu’on veut, mais je sais très bien que je ne suis pas la seule qui pense comme ça. Si seulement je ne voyais pas tout ça, alors ça me passerait 10 pieds par-dessus là tête. Il est là le problème, selon moi : on veut prendre notre temps, on veut apprendre à se connaître, on veut se découvrir, mais tout se met dans notre chemin pour nous pousser à faire le contraire.
T’sais, au final, je ne suis pas censée savoir de quoi tu avais l’air quand tu avais 13 ans : c’est ta mère qui est censée me montrer des photos gênantes, quand je la rencontre. Je ne devrais pas savoir que tu étais en ligne, il y a quatre minutes. Je devrais juste être contente quand on se parle.
Alors, maintenant, c’est comme ça que je fonctionne : si j’aime bien un garçon, je lui donne mon numéro de téléphone. Je ne m’attends pas à ce qu’il m’appelle. Je ne suis pas si utopiste, mais c’est déjà ça. Je ne saurai peut-être pas qu’il est intéressé par le show de la rentrée pis il ne saura pas que j’avais des mèches blondes en 2011, mais on va peut-être aussi s’être donné une chance.