Je pense qu’avant d’entrer dans le vif du sujet il faut que je vous fasse une déclaration-choc et inédite, contrairement aux idées reçues : les objets, les comportements, les loisirs et les activités sont tous asexués, donc dépourvus d’un sexe spécifique.
Je vous entends me hurler votre incompréhension :
« QUOI !! ÇA VEUT DIRE QUE LES FILLES N’AIMENT PAS BIOLOGIQUEMENT LE ROSE, ÇA VEUT DIRE QUE LES HOMMES NE SONT PAS BIOLOGIQUEMENT ATTIRÉS PAR LE HOCKEY !!! »
Eh bien non.
Coup de théâtre! Vous avez été berné.e.s par des construits sociaux aux allures de déterminismes absolus!
C’est ce que Judith Butler, charmante sociologue, appelle la performativité. La performativité est un concept sociologique visible à travers le genre que nous adoptons, un genre (masculin/féminin) qui est socialement défini par notre sexe (homme/femme). Donc, en nous rapportant à ce concept social, nous performons tous les jours et en tout temps notre genre via notre ton de voix, notre posture, les activités que nous aimons, nos choix vestimentaires, etc. Ce jeu de performances sociales est tellement intrinsèque à notre éducation genrée que ses règles sont automatiquement ancrées dans notre individualité. On ne les questionne point ou très peu. Et lorsque l’on ne se conforme pas à notre genre, nous sommes victimes de moqueries, de plaisanteries et de dénigrements.
C’est lorsque l’on se penche davantage sur ces moqueries résultant d’une « non-conformité » au genre qui nous est socialement imposé que nous découvrons que cette performativité du genre est le résultat d’un machisme sexiste et homophobe. Ce qui me semble encore plus absurde est que nous continuons, en tant que société, à perpétuer ces moqueries et ces plaisanteries, et ce, souvent à notre propre dépend.
En fait, tout ce qui se rapporte au féminin, ce qui comprend l’ensemble des activités, loisirs et symboliques qui s’y rattachent, est synonyme de dépréciation et de rejet. Ces activités, objets et façons d’être sont trop souvent définis comme étant surfaits et simplistes.
Les trucs de filles Les sports de filles Les couleurs de filles Les vêtements de filles
Les films de filles
Arrête de faire ta « fillette »
« T’es fife »
« C’est gay »
Ou, ces hommes qui n’entrent pas dans les stéréotypes de la masculinité toxique. Pourquoi un homme qui déroge des standards masculins socialement établis sera-t-il dénigré à coup de propos homophobes? Pourquoi insulter les homosexuels? Parce qu’ils s’éloignent de ce que devrait être un homme selon la société, parce qu’ils se rapprochent de certains traits féminins, parce qu’ils ne sont plus, selon l’imaginaire collectif, « dans l’action de », mais qu’ils « subissent ». Comme les femmes.
Donc pour insulter un homme il suffit de mettre en doute sa masculinité en pointant chez lui des ressemblances avec le sexe dominé, soit les femmes.
« Tu cours comme une fille »
« Tu lances comme une fille »
« Tu te bats comme une fille »
« Tu boudes comme une fille »
« Tu pleures comme une fille »
« Tu conduis comme une fille »
Les femmes semblent, dans l’imaginaire collectif, transformer tout ce qu’elles touchent en cendres. La féminisation étant trop souvent synonyme de dévalorisation. Le féminin se positionne toujours comme l’éternel second.
Cette insulte suprême que l’on sert aux hommes, et aux femmes, pour atteindre leur valeur et désigner leurs piètres performances. Puisque l’expression « comme une fille » est souvent — pour ne pas dire toujours — associée à une performance ou un comportement caractérisé comme étant niais et faible.
Quand avons-nous décidé que tout ce qui se rapportait au féminin devait faire l’objet d’expressions insultantes et dégradantes? En quoi courir comme une fille est péjoratif alors que courir comme un garçon est en soi un compliment?
Pourquoi les films de filles sont-ils ridiculisés? Pourquoi le rose et les paillettes sont-ils proscrits sur un homme? Pourquoi si celui-ci en porte on le désignera comme étant efféminé? Pourquoi être efféminé est-il une insulte?
Pourquoi les femmes qui ne répondent pas aux standards féminins sont-elles désignées comme étant des garçons manqués? Donc qu’elles agissent comme des hommes, mais qu’elles sont malheureusement des femmes.
Pourquoi sont-elles MALHEUREUSEMENT des femmes?
Moi, j’écris comme une fille
Et c’est foutument badass.
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