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« C’est sûr que tu l’aimes »

C’était en 2017. Une journée printanière ensoleillée. J’étais en route vers un bar, question de rejoindre une amie que je n’avais pas vue depuis quelques semaines.

À mon arrivée, elle était déjà installée à une table depuis belle lurette, verre en main. J’ai pris place, et nous avons commencé à papoter de tout et de rien.

Rapidement, la conversation s’est centrée sur lui. Sur celui que je voyais depuis maintenant trois mois.

« Fait que là, c’est ton chum? »

Le commentaire m’avait donné froid dans le dos. M’avait fait avaler de travers ma gorgée de gin tonic.

L’affaire, c’est que je ne savais pas ce qu’on était à l’époque. On se voyait au moins trois fois par semaine. Je passais la moitié de ma semaine dans son lit, à faire l’amour, à rire, à donner des bisous, à regarder des films, à discuter de tout et de rien. J’étais bien, confinée dans ma petite zone grise. J’étais bien, à ne pas me poser de questions, à juste vivre le moment présent.

Mais je sentais quand même de la pression dans mon petit cocon sans étiquette. Chaque mois, il me glissait subtilement un « heille, ça fait maintenant un mois qu’on se date », « heille, notre première date était y’a deux mois déjà ». En quelques semaines, j’avais rencontré tous ses amis proches. Sa grand-mère. Son frère.

Ses colocs m’appelaient sa copine. Chaque fois que ça se produisait en public, j’affichais un sourire nerveux. Ma dernière – ma seule, en fait – relation sérieuse remontait à longtemps, très longtemps, et la notion de couple me faisait lever le poil de jambe et trembler de partout. À ce moment-là, je ne savais pas quoi penser de toute la situation. À ce moment-là, en fait, je ne voulais pas penser à toute la situation.

J’ai regardé mon amie.

« Ben… j’sais pas. »

Elle a poussé un petit rire.

« À t’écouter parler, c’est sûr que tu l’aimes. »

J’ai eu mal au cœur. Mes épaules tremblaient. Je n’étais plus capable de toucher mon verre.

Ce que mon amie ne réalisait pas, c’est que ses commentaires venaient me donner un coup de poing dans le ventre. Ils remettaient en question cette zone grise que je trouvais confortable depuis trois mois. Ils mettaient une étiquette sur une relation qui n’était pas assez mature et prête pour en avoir une.

Je suis partie ce soir-là avec un cœur qui faisait bobo. Un cœur qui réalisait comment il avait peur d’aimer, comment il n’était pas prêt à s’embarquer avec celui qui partageait mes nuits depuis une centaine de jours. Un cœur qui se posait des questions, et qui commençait à céder sous cette pression involontaire que mon amie me mettait sur les épaules. Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais remis en question la relation dans laquelle je me trouvais. Mais ces deux petites phrases ont eu l’effet d’une massue sur mon aorte.

Quelques semaines plus tard, hélas, lui et moi décidions de mettre fin à ce petit bout de chemin que nous avions emprunté ensemble, main dans la main.

Crédit photo couverture : Geneviève Higgins-Desbiens

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