Ces temps-ci, je fais des boîtes. Comme pour plusieurs, c’est le temps des déménagements et, pour ma part, je m’en vais dans un nouveau quartier avec une nouvelle colocataire. Les déménagements m’amènent toujours à faire beaucoup de ménage et de tri. Dans ces périodes, je souhaite ardemment devenir une reine de l’organisation et je rêve d’un nouvel espace propre dépourvu de trucs qui traînent. Je m’imagine même devenir une super minimaliste (jusqu’à ce que j’empile ma quinzième boîte de livres dans mon salon et que je me dis que, ouin, y’a encore du travail à faire).
N’empêche que l’on trouve souvent un tas de trucs, dans un déménagement; des trucs qu’on avait mis de côté il y a longtemps sans jamais y retoucher. En ouvrant une boîte, je suis tombée sur un roman d’Emmanuel Carrère, avec, en première page, un mot écrit à la main par une personne rencontrée en voyage il y a plusieurs années. Je parcourais alors les routes d’Espagne à pied, c’était mon premier périple sur les Chemins de Compostelle. Cette personne m’avait offert ce livre en souvenir de notre escapade à Lisbonne, que nous avions organisée juste après avoir atteint Santiago. Malgré la fin douloureuse qu’a eue cette histoire, je n’ai jamais pu me départir de ce livre, qui signifie pour moi la spontanéité, la folie, la liberté, toutes ces choses que l’on rencontre en voyage et qui nous font faire des rencontres extraordinaires, un peu décalées de la réalité, mais toujours particulièrement intenses.
Ah, les amours de voyage. Toute personne qui a voyagé a, comme moi, ses propres souvenirs ou anecdotes, et nous aimons les raconter, toujours avec le sourire au coin des lèvres. Ces rencontres sont souvent d’un romantisme extravagant et délicieux, faites de baisers échangés dans les terminaux de train ou d’aéroports, de promenades main dans la main dans des décors hallucinants et de rendez-vous spontanés au fil des étapes d’un voyage. Parfois, on ne parle pas la même langue, alors on se retrouve à baragouiner de l’italien, l’autre de l’anglais ou du français, puis on discute de toutes sortes de choses devant de longs cafés qui s’étirent. Malgré qu’on ait juste trois vêtements que l’on remet jour après jour, de la crème solaire qui coule le long de nos bras parce qu’il fait chaud et un gros sac à dos un peu crasse, nous nous plaisons rapidement et sommes prêts à décrocher la lune pour avoir juste une autre journée avec l’autre avant de rentrer sur notre propre continent.
En voyage, il y a quelque chose que nous n’avons pas dans notre quotidien, et c’est peut-être justement parce que l’on est dans une position d’ouverture face aux autres qu’on fait des rencontres si intéressantes. On a les yeux grands ouverts, on attend avidement les gens dans les auberges en espérant se trouver des copains et copines pour prendre une bière ou partager un plat de pâtes, on a envie de se faire des ami.es et on est rarement dans le refus. En voyage, je ne dis jamais « Ouin, désolée, je dois rentrer chez moi ». Je ne dis jamais non plus « Je ne peux pas » ou « Je suis occupée ». Et tout le monde est dans cette même vibe, alors les rencontres fusent. C’est à la fois merveilleux et déchirant, car bien souvent, ce sont des rencontres éphémères, mais en même temps, c’est peut-être aussi ce qui fait la beauté de la chose. On doit en profiter, car ça passe vite.
Alors que je range dans mes boîtes ce livre d’Emmanuel Carrère et mes calepins de voyage remplis d’une écriture serrée, je repense à ces souvenirs et je suis rêveuse. Je me demande quand est-ce que j’aurai la chance de repartir en voyage. Je sais que je devrai être patiente avant de pouvoir remplir à nouveau mon pack sac et partir à l’aventure. Mais je saurai attendre.
Source: Timo Stern on Unsplash