Il vient un temps où l’on réalise, de façon apparemment inattendue ou aléatoire, que la vie est à la fois courte et fragile, longue et éprouvante, toute petite et toute grande. À partir de ce moment, il n’est plus possible de l’oublier, de continuer sans le considérer. Cette reconnaissance s’imprime à l’encre indélébile dans notre tête et, si nous sommes sensibles (donc sublimes, dirait Voltaire), dans notre cœur.
Vient alors une nécessité, parfois latente, parfois urgente, de boucler les boucles. De nouer ces fils qui traînent un peu partout, dans notre garde-robe, dans notre corps, dans nos pensées ou dans notre (in)conscient. De les faire valser autour de nos doigts pour, enfin, créer des boucles entières. Pas parfaites, ni élégantes. Seulement les rendre entières, seulement les rendre bouclées.
Devant l’immense fragilité de la vie et devant l’évidence de la petite durée qu’il nous est permis de la vivre s’opère alors une réflexion sur ce qui est important, sur ce qu’on veut, pour vrai. Pas pour plaire à l’autre. Pas pour ne pas décevoir. Pas pour se faire applaudir. Un moment où l’on en vient à se choisir.
Ça prend un grand moment de lucidité et une quantité galactique de courage pour arriver à bouger. Se départir de ce qui nous alourdit, de ce qui nous rend triste, de ce qui nous fait mal. C’est là que la valse des rubans va dans tous les sens. Et, tranquillement, on boucle une première boucle. Quelque chose de notre passé qui nous empêchait d’avancer. Puis une deuxième boucle, quelque chose qui était en suspens, qui nous réveillait la nuit. Puis une troisième, plus grande, qui nous permet de nous tourner vers l’avant.
Boucler les boucles de ce qu’on a vécu, c’est reconnaître l’importance que ces événements ont pu avoir sur notre vie. C’est aussi de savoir qu’on ne les oubliera probablement jamais. C’est d’accepter qu’une fois bouclée, la boucle peut se dénouer et qu’on peut se retrouver à la case départ.
Ce qui est bouclé ne l’est pas forcément pour toujours. Mais il en est de même pour les rubans qui traînent : il est toujours possible de les nouer.
Ce que j’ai envie de dire, ça n’a rien de très compliqué. Je vous le dis.
Il est toujours temps de boucler les boucles.
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