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Borderline

Borderline.
Trouble de la personnalité limite.

Selon le site Internet de l’Institut universitaire en santé mentale du Québec, ça a l’air de ÇA.

Les diagnostics en santé mentale, c’est toujours délicat. T’sais, si tu lis le DSM, c’est sûr que tu vas te trouver des bobos. Mais l’esprit humain est pas noir et blanc comme dans les livres théoriques. Y’a mille nuances de gris pis y’a même des couleurs à travers ça.

Où est la limite entre le trouble, le syndrome, la maladie pis la caractéristique, le trait de personnalité ?

Le TPL, des fois, c’est un peu dans cette zone grise-là. Bon, chacun le vit différemment, bien sûr. Ceux qui en sont atteint le sont pas tous de la même façon et le sont en différents degrés. Donc je parle pour moi, t’en prends et t’en laisses.

Pour enfin comprendre pourquoi j’avais toujours ce caillou dans le ventre, une ombre persistante qui m’empêchait de respirer correctement et de voir clair, y’a fallu que je touche le fond. L’année dernière, je vivais une période difficile pis, plutôt que de prendre soin de moi, j’ai décidé de me tester. De voir jusqu’où je pouvais pousser mon corps et mon esprit. Finalement, ça aura été après un mois d’autodestruction, trois jours à l’urgence psychiatrique pis une semaine à Giffard que j’aurai enfin ouvert les yeux sur ma réalité.

Je vis fort. Câlissement fort. Je vis parfois dans les extrêmes pis c’est là que ça devient dangereux. C’est éprouvant à la longue de vivre aussi intensément.

Borderline. La ligne et ses rebords. Osciller entre les deux.

Les bords de la ligne, je les connais en criss.

Le premier, celui qui te fait shaker, qui te fait tourbillonner comme une danseuse folle, appelons-le LE VIDE DE PLEIN, c’est

Quand la lumière m’aveugle, s’incruste dans ma cornée, la liquéfiant Mais que je continue de regarder Quand mon cœur fait dix, cent, mille battements minute Quand l’amour fantasme devient réel Je suis une reine cruelle Rien ne peut m’arrêter J’ai enfin trouvé ma paix Mon présent Mon futur Tout est moi Je suis tout à la fois Les larmes chaudes inondent mes joues C’est un beau jour pour mourir Dans un orgasme éclatant Je suis pleine et Mon esprit frémit Je ne sais plus où mettre toute cette énergie Celle de la plus belle

folie

Le deuxième, celui qui t’enfonce la tête dans l’abysse, appelons-le LE TROP-PLEIN DE VIDE, c’est

Quand chaque pas, chaque geste, chaque respiration me fait peur Quand tout devient une agression Les bruits, les textures, les lumières Les inconnus Les amis La famille Les amours Je suis une éponge qui ne peut plus absorber Je suis terrifiée par l’air que je respire Par les mots que je prononce Par mes émotions, par celles des autres Ma peau me déteste Je déteste ma peau J’ai trop peur pour ouvrir les yeux et trop peur pour les fermer J’ai trop peur d’être seule et trop peur des autres Peur de ce que je suis et de ce que je ne suis pas Quand les angoisses sont métaphysiques Quand l’effroi prend des proportions astronomiques Mon âme m’échappe S’échappe dans une noirceur transcendante Une noirceur infinie et aussi troublante que l’Abysse Cette noirceur qui avale les consciences Celle de la folie la plus crasse

Avant de savoir prendre du recul sur ces émotions qui me submergeaient comme des vagues de poison magnifique, je perdais pied. Ma mère, qui a toujours été là pour essayer d’apaiser la douleur, tentait tant bien que mal de me lancer une bouée. Elle me disait d’arroser les fleurs, pas les mauvaises herbes. Sauf que dans mon down, tout ce que je voyais, c’était mon champ de mauvaises herbes à perte de vue. J’avais besoin de lunettes pour arriver à voir ce qui me ferait du bien.

Pis c’est correct.
Faut juste réussir à avouer que des fois, on a besoin d’un petit coup de main.

Après l’hôpital, j’me suis donné le plus beau des coups de main. J’ai commencé à travailler sur moi. D’abord avec de l’aide extérieure puis petit à petit, par moi-même, au quotidien.

J’apprends à me connaître pis à m’aimer de même. J’apprends à prendre du recul, à relativiser, pour me calmer quand ça vibre trop. J’apprends à me couper un peu les ailes des fois, juste pour pas m’envoler trop loin pis me brûler. Des fois ça me fait mal de devoir tuer ces passions qui m’animent. J’ai vécu les plus beaux amours, ceux qui impliquent nécessairement ta perte dans une explosion à couper le souffle. Je ne le regretterai jamais. Et je le referai. Mais chaque fois plus doucement, plus sagement, plus sourdement. Je dois apprendre à, parfois, tuer un peu de moi pour mieux vivre.

En bout de ligne, je me sens riche de toute cette sensibilité et j’en retire une fierté éhontée.

J’suis contente de pas être sur la ligne, j’pense.

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