Récemment, la fan de Sci-Fi en moi a été foudroyée par la télésérie d’origine britannique Black Mirror, rachetée par Netflix en 2015. Cette série, se présentant sous forme de courts films aux acteurs et aux scénarios changeant à chaque épisode, m’a littéralement laissée #mindblown, moi qui suis naturellement du genre à me projeter dans le futur en me questionnant sur l’avenir de l’humanité.
Entre extinction totale des abeilles laissant place à des drones pollinisateurs, l’addiction intégrale aux écrans, la hiérarchisation sociale en fonction des likes, la webcam qui enregistre tous nos faits et gestes devant et sur l’ordinateur, la puce implantée dans le cerveau pour endoctriner les masses, le bouton pour bloquer les gens en personne plutôt que de communiquer nos différends, Black Mirror sait, à tout le moins, venir ébranler les auditeurs à la fois friands et alarmés par les propos non censurés que chaque épisode aborde.
La ligne me semble mince entre futurisme extravagant, divertissant et futurisme dangereusement réaliste : c’est de ce deuxième type dont la série se nourrit, et c’est saisissant.
Quand on s’arrête un instant pour y penser, l’emprise qu’a la technologie sur nous est elle-même alarmante. Elle vient avec un prix que nous payons aveuglément, jour après jour, minute après minute. Un prix payé sous-forme d’attentes, d’anxiogènes constants, de solitude, de sédentarisme. On nous fournit des outils qui font tout pour nous, qui nous dérobe, petit à petit, de notre autonomie, de notre patience, de notre esprit critique, de notre humanité. On veut du rapide, du facile, du jetable même si ça nous étourdit. On veut du surhumain, mais nous ne sommes que ça, de petits humains incroyablement vulnérables composés de tissus mous.
On se soumet soi-même à l’esclavage quant à nos multiples écrans. On s’exaspère un peu devant les algorithmes et on fait des blagues sur le fait qu’on se sent surveillé lorsqu’on évalue le contenu publicitaire en marge de notre fil d’actualité Facebook. Breaking news : on l’est, surveillé. Notre présence sur le web, aussi infime soit-elle, est documentée et laisse une trace permanente de nos activités. On ne peut plus vraiment s’effacer de la map, comme on dit. Le monde va quand même pouvoir savoir que ta robe de bal en 2011 ne te mettait pas en valeur.
Par les réseaux sociaux, l’État (et qui le veut bien) est en mesure de savoir où tu vis, où tu travailles, tes goûts musicaux, de qui se compose ton entourage, que tu vénères Trump, que ton bébé est laid, à quand remonte ta dernière interaction avec telle ou telle personne, ton style pornographique de prédilection et même te rappeler qu’à pareille date, y’a 3 ans, tu te faisais chauffer la couenne à Cuba avec ton ex. C’est ce qu’on appelle de l’intimité avec un grand I. LOL.
Quel bel oxymore, ça, l’intimité collective. À l’ère où tout se doit d’être documenté, on fait des stories pour que nos abonnés Instagram puissent presque goûter le smoothie bol qu’on a soigneusement tapissé d’aliments #healthy #trendy avant de le savourer seul avec son chat. Je suis la première à faire ça, en fait. Je m’emmerde, donc pourquoi pas tendre une perche insignifiante sur les réseaux sociaux plutôt que d’appeler ma mère, lire mon roman ou aller prendre l’air. Don’t get me wrong, ça peut être très divertissant et générateur de plaisir, tant que ça ne remplace pas l’essentiel, le vrai.
Honnêtement, les jardins secrets se font rares. Tout le monde sait beaucoup sur tout le monde et fait souvent semblant d’être surpris à l’annonce d’une nouvelle ou d’un potin. Y’a toujours quelqu’un qui a entendu, vu ou filmé quelque chose à quelque part. Nos vies sont, qu’on le veuille ou non, un grand jardin communautaire avec un paradis technologique comme engrais chimique.
Être dépendant aux réseaux sociaux et à la technologie, c’est aussi se mettre à risque de sombrer dans la paranoïa. Tel a vu mon message mais n’a pas répondu : il m’évite? Tel a fait un story avec telle personne en prenant un verre sans que je ne sois invitée : m’aiment-t-ils toujours? Ma fréquentation n’a pas été en ligne dans les dernières 24h… est-elle morte dans un fossé?
C’est d’ailleurs toute cette frénésie autour de l’anxiété chronique, les fausses interprétations, le besoin de plaire et la paranoïa qu’engendrent la technologie et les réseaux sociaux qu’exploite avec brio Black Mirror.
Big brother is watching you en esti.
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