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Billet doux à Philippe Brach

J’ai toujours aimé écrire à des gens qui ne répondraient pas, non sans souhaiter qu’ils le fassent. Ô désenchantement! me diras-tu. Mais non, l’expérience m’a appris que la vraie déception c’est de recevoir une lettre signée du père Noël qui a clairement été écrite par un lutin désabusé, ou encore une affiche de Daniel Radcliffe avec sa signature imprimée. De loin, je préfère le silence des absents aux plates réponses qui sont en vérité une façon parmi trop d’autres de te rappeler combien t’es naze.

Cela étant dit, voici que je récidive. Car il y a de ces bobos qu’il fait donc bon gratter. Sans compter qu’un rêve tout juste clos me ramène à l’été… En c’te froideur mouillée de novembre, il me semble qu’il fait un temps à se réchauffer le palpitant un brin. Cette fois-ci, c’est sous un soleil tête-de-Brach aux rayons bouclés que je me grille la couenne.

Et donc…

Cher Monsieur Brach,

Je suis la fille de place D’Youville – oui, mais laquelle – je suis la fille de place D’Youville qui a pris tes beaux sourires pour de la petite monnaie qui se glisse dans les poches. Poitrine côté cœur. Derrière fesse droite.

Tu m’es une sorte de charmant prétexte. À la tonsure dorée, au bleu de l’œil acéré et à la gueule affûtée. Charmant prétexte bien craquant.

Tout ça pour te dire, à toi ou à d’autres, et pour pas ou si peu de raisons – bonnes comme mauvaises, c’est selon – qu’il y a encore et aura peut-être même toujours de ces filles cœurs de jujube à qui tu souriras – entendons de leur point de vue – et à qui ce faisant tu inspireras d’heureuses rêveries dans l’idée et de flaves coulées de miel au fond de la petite culotte… Simplement à être ton toi tout colorié façon spotlights.

Je suis juste gênée, de nature, mais aussi de te dire ou de te crier que t’es beau en Dieu dans ta robe de chambre rouge. Fait que je te l’écris : t’es le samouraï des draps défaits de mes histoires sans titre ni encre. Brach, à te déguster de la prunelle de mes noisettes brûlées, toi et ta grouillante paire de pommes, la mèche folle, le bas slack, Brach, Philippe, je t’aurais cueilli à la pipette entre l’index et l’ongle et, mot à mot, t’aurais semé sur les pages d’une histoire rien que pour toi tricotée.

« Il était une fois Philippe Brach. »

Si j’avais eu la lueur de génie de t’écrire avant qu’on ait la grandeur d’âme de te procréer, je t’aurais raconté trouvé dans la panse d’une orignale. Toi, petit lardon blanc encore chaud, dégoulinant, viscère parmi d’autres. Empoigné au potelé du gigot par un chasseur sceptique de sa trouvaille. On t’aurait néanmoins gardé au chaud, emmailloté dans la fourrure tout juste scalpée de ta mère encore tiède.

Comme le chasseur n’aurait pas été particulièrement porté sur le pouponning, il se serait allégé le fardeau en te confiant aux soins de sa voisine de cabine, une belle pièce de fourrure toujours grouillante, petites mains de grappilleuse de poubelles, languette de tape noir devant les yeux, le cul large, et d’entre tous reconnue : la bonne femme raton.

En toi, joli avorton, elle aurait reconnu de la bonne graine, de quoi, un jour, tirer un vrai de vrai Petit Prince sauvage. Né pour l’être.

Même qu’un jour, tu le chanterais.

Monsieur Brach, tu es de ces étonnants personnages qui ont trouvé digne chair pour les couver. J’en aurais pas moins voulu t’inventer. À défaut de, je t’adresse une missive sans consistance. Parce que je suis la fille de place D’Youville. Celle qui se tient en lisière du vrai monde et qui s’enfarge dans les perches tendues sans les voir à force de sniffer des nuages. On dira nounoune, on dira fofolle… Ou pas. On dira surtout ce qu’on voudra.

Je suis une fille de place D’Youville, mais, plus encore, je suis une fille qui joue toujours aux bonshommes, dans sa tête et dans ses mots. Celle qui tombe amoureuse des personnages. De livres, de films, de scène… Je suis celle-là qui est tant d’autres. Qui se plaît à n’être personne comme n’importe qui ou quoi. Celle qui plonge tête première dans un banal eye contact en oubliant son air sur la rive. Les idées à l’eau, l’oxygène à vide, je ponds des lettres d’amour comme il s’en écrit sûrement tant d’autres.
Quoique celle-là spécialement pour toi.

Qui dit billet doux dit papillonnage figuratif de cils, mais le fond de fierté qu’il me reste te confiera plutôt, déviant subtilement le sujet, que ton heureuse performance au rectangulaire carré D’Youville m’aura non seulement, éventuellement, inspiré cette bavure de lettre, mais, mieux encore, une pensée comme quoi on ne se débarrasse jamais complètement de la fille ou du gars un peu twit qui nous assiège la boîte à bêtises, même avec ben de la mauvaise volonté.

Bref, Brach, Philippe, merci d’avoir été mon festival à toi tout seul, d’y avoir suffi et d’avoir souri. À peu importe qui. Merci de ne pas me lire et de ne pas me faire parvenir ta photo, ton poil de cul ou une lettre gracieuseté de je ne sais quelle fourrure en devenir.

Une fille.
Peu importe laquelle.

Par Sarah Marcotte-Tambo

Marie Lortie Côté

Crédit photo de couverture : LePetitRusse

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