La vie est injuste!
Cruel fut celui qui m’a conçue; Malfaisant était celui qui a choisi mon nez; Déraisonnable, celui qui m’a accablé de mon gras gabarit;
Immoral, injustifiable et malhonnête.
Car je suis laide.
Les garçons ne me regardent pas dans les bars. On ne se retourne pas à mon passage. Je suis bien plus Tercel que Lamborghini.
Je paye tous mes shots et mes coupes de vin.
Oh, déloyale vie de chien, même un carlin aurait plus de regards amoureux que moi;
Plus de caresses et de tapes sur les fesses.
Je serais parfaite pour lui, je serais bonne pour lui, nous avons les mêmes intérêts; Écoutons la même musique, mais il ne me voit pas.
Personne ne voit ce pauvre thon.
Bon et là je te vois toi, la femme forte qui capote, ne t’inquiète pas, je suis femme forte aussi, je suis capable vivre de ma propre personne en tant que femme accomplie, j’ai pas besoin d’un chum pour vivre, mais j’aimerais ça intéresser les gars qui m’intéressent… Pus juste être leur amie.
Leur procurer les mêmes palpitations.
On sait tous ce que c’est que d’être frappé par la beauté des yeux noisette et ténébreux, d’une mâchoire bien carrée, des bras forts et velus. C’est facile, mais quand t’es moche, ils ne te voient pas.
Le vrai défi serait de regarder derrière tout ça, right? Peut-on laisser la beauté évidente à ceux qui n’ont pas d’imagination? Et si on regardait avec ouverture, avec curiosité; L’intelligence de son regard, l’énergie de ses mains, la force de ses paroles; Et si en regardant de plus près, un visage presque banal devenait intéressant, voire fascinant;
En survolant cette presqu’île de nez, y découvriras-tu de belles courbes de lèvres, ses joues dodues te mèneront-elles à des yeux ronds, intelligents et joyeux?
Parce qu’on est tous beaux, autant que de la peau et des os peuvent l’être. Parce qu’on est tous pareils au fond; Des enveloppes biodégradables qui ne tiennent qu’à presque rien. On est tous des futurs tas de compost, des sacs de pets. On va tous aux chiottes, même les tops modèles. On pue, on rote, on est sale et c’est ben correct. Peut-être que tout ce que ça prendrait, ce sont des gens qui sont bien à l’aise avec tout ça. Qu’il n’y en aille pas de problème, avec mon calfeutrage et mes coussinets;
Avec ma taille, mon poids, ma face ou bien mes cheveux.
Et si on s’en câlissait enfin! Comme ça, tout le monde pourrait être lui-même, beau à sa façon. On pourrait danser, chanter, péter et s’aimer, le monde se sentirait moins seul, peut-être bien.
Il y aurait moins de mal-aimés.
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